Un projet de formation de l’organisation de développement Helvetas donne une deuxième chance aux jeunes Béninois. Les résultats d’une évaluation d’impact sont attendus l’automne prochain. (Image: Helvetas/Stephane Brabant)
Il est essentiel de pouvoir mesurer les résultats des projets de coopération au développement. Cela permet d’une part de justifier les mesures prises auprès des bailleurs de fonds (c’est-à-dire les contribuables dans le cas de l’aide publique au développement). Des résultats mesurables constituent par ailleurs une information stratégique déterminante pour décider de la poursuite, de l’extension ou de l’interruption d’un projet. Contrairement aux évaluations finales habituelles des mesures de développement, les évaluations d’impact sont menées sur toute la durée du projet. Les données pertinentes étant difficiles à obtenir dans les contextes souvent fragiles de la coopération au développement, des équipes d’évaluation spéciales les collectent directement et souvent sur plusieurs années.
Une évaluation d’impact permet de comparer les données d’un groupe-cible avec celles d’un groupe témoin n’ayant pas bénéficié des mesures mises en place par le projet concerné durant la période considérée[1]. Ce procédé permet de démontrer de façon systématique les effets de ces mesures et d’exclure les facteurs externes ayant également influencé la situation. Le processus fastidieux de collecte des données génère des coûts supplémentaires. Ceux-ci sont toutefois rapidement compensés si les résultats positifs d’une mesure, mis en évidence par l’évaluation d’impact, retiennent l’attention de nouveaux acteurs qui décident de la mettre en œuvre dans leurs propres projets. Les effets des programmes dont l’efficacité est démontrée peuvent ainsi être rapidement multipliés, permettant de réduire considérablement le coût total de la coopération au développement.
Pour renforcer les synergies dans la collecte et l’évaluation des données de tous les programmes des acteurs de la coopération suisse au développement, la Direction du développement et de la coopération (DDC) encourage les organisations non gouvernementales (ONG) suisses à davantage recourir aux évaluations d’impact. En collaboration avec le Centre pour le développement et la coopération (Nadel) de l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), la DDC décerne tous les deux ans un prix Impact aux programmes les plus prometteurs d’ONG helvétiques. Les lauréats obtiennent un soutien financier et scientifique pour la mise en œuvre d’une évaluation d’impact. À ce jour, quatre projets ont été récompensés. Le prix 2015–2017 a été remporté par Terre des hommes (projet d’amélioration des diagnostics chez les jeunes enfants au Burkina Faso) et par Vivamos Mejor (projet d’accueil communal des enfants en Colombie). Le prix 2017–2019 a été attribué à la Croix-Rouge suisse (projet de prévention des glissements de terrain au Honduras) et à Consciente (programme de supports pédagogiques numériques en Amérique centrale). Chaque prix est doté d’un montant de 50 000 francs pour la mise en œuvre d’une évaluation d’impact des projets récompensés. Le prochain appel à candidatures pour le prix Impact sera ouvert au printemps 2020.
Diagnostic chez les jeunes enfants
L’évaluation de l’impact d’un projet de Terre des hommes au Burkina Faso s’est achevée récemment. Bien que ce pays d’Afrique de l’Ouest ait introduit dès 2003 les normes internationales de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour le diagnostic chez les jeunes enfants sur tout son territoire, la mortalité infantile due à des diagnostics erronés ou à une mauvaise médication y est restée très élevée. Le projet de l’ONG suisse visait à améliorer de façon systématique le diagnostic des maladies infantiles dans les dispensaires ruraux du Burkina Faso[2].
Le programme mis en place était centré autour d’un logiciel accessible sur tablette qui fournit une assistance au diagnostic et au traitement tout en permettant l’enregistrement simultané des données des jeunes patients. Une évaluation d’impact a été menée simultanément par la London School of hygiene and tropical medicine (LSHTM) dans huit régions du pays de 2014 à 2017.
Au total, les évaluateurs ont enregistré l’examen et le diagnostic de 2038 jeunes enfants – un nombre comprenant à la fois le groupe-cible et le groupe témoin. Le premier groupe se composait de 695 patients, pour l’examen desquels le nouveau logiciel a été utilisé. Les diagnostics des 1343 patients du groupe témoin ont eux été établis au moyen de questionnaires conventionnels sur papier. L’évaluation a montré que le logiciel a permis d’améliorer de 25 % le respect des directives cliniques de l’OMS au sein du groupe-cible par rapport au groupe témoin et que le pourcentage de diagnostics corrects a pu être significativement augmenté pour toutes les pathologies.
Terre des hommes et le Ministère de la santé burkinabé cherchent depuis lors à obtenir de nouveaux financements et à déployer ce programme dans toutes les régions du pays. Les résultats positifs de l’évaluation d’impact ont également suscité un intérêt international : de nouveaux partenaires (parmi lesquels l’OMS et la Fondation Bill et Melinda Gates) étendent aujourd’hui le programme aux pays voisins du Mali et du Niger.
Éducation : une seconde chance
Des études d’impact sont également menées sur des projets financés par la DDC. Le Centre d’évaluation et de développement (C4ED) et l’Institut de recherche empirique en économie politique (Ireep) évaluent actuellement un projet mené au Bénin par l’organisation de développement Helvetas sur mandat de la DDC. Les résultats de cette première évaluation d’impact d’un programme de la DDC sont attendus pour cet automne.
Bien que ce pays situé au sud-est du Burkina Faso reconnaisse un droit fondamental à l’éducation, plus de 45 % des enfants et des jeunes n’y sont pas scolarisés. Depuis 2011, la Suisse soutient au Bénin le Programme d’appui à l’éducation et à la formation des enfants exclus du système éducatif (Paefe). Adapté aux structures sociales et économiques locales, ce programme cible spécifiquement les jeunes de 9 à 15 ans, trop âgés pour l’école primaire, mais encore trop jeunes pour apprendre un métier.
Au total, 2564 jeunes béninois concernés ont été interrogés sur leur situation dans le cadre d’une étude quantitative de fond menée entre 2017 et 2018 : 748 d’entre eux ont participé au programme, et 1816 ont constitué un groupe de référence n’y participant pas. Dans un deuxième temps, une enquête qualitative a été menée à l’été 2019 auprès des élèves du dernier semestre pour évaluer leur insertion professionnelle. Parallèlement, les 2564 jeunes visés par l’étude de fond ont à nouveau été interrogés sur leur situation. En comparant les résultats obtenus, l’enquête permettra de démontrer l’impact concret du programme sur les compétences scolaires et l’insertion professionnelle des participants.
Ici encore, des résultats positifs conduiront idéalement l’administration béninoise à créer dans tout le pays des écoles alternatives sur le modèle de celles du programme de la DDC. Une extension du programme à d’autres pays par de nouveaux partenaires serait ensuite également envisageable. D’autres publications de résultats suivront, la DDC menant des évaluations d’impact tant pour ses propres programmes que pour les projets de ses partenaires.
- Sur les méthodes, voir l’article de Dina Pomeranz dans cette édition. []
- Approche intégrée du diagnostic électronique (IeDA). []
Proposition de citation: Neuhaus, Nathanael (2019). Des succès mesurables dans la coopération au développement. La Vie économique, 23. septembre.