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Le problème du manque de connaissances

Le problème du manque de connaissances

Comment expliquer simplement des enjeux et des problèmes complexes ? (Image: iStock)

Mes connaissances techniques ne sont pas optimales. Chaque fois que je prends l’avion, je me demande comment l’appareil fait pour se maintenir en l’air. Des compagnons de vol m’ont plusieurs fois expliqué les lois physiques en action. Mais je n’ai jamais vraiment compris leurs explications et je me repose la question lors de chaque vol.

Mes connaissances lacunaires en aéronautique sont-elles problématiques ? Pas vraiment. Dans une économie basée sur la division du travail, il n’y a pas besoin de s’occuper de tout. La conception de l’avion est confiée à des ingénieurs, la sécurité à des contrôleurs étatiques et la conduite de l’avion à des pilotes dûment formés.

En économie également, un fossé sépare le savoir des experts de celui du grand public. Un spécialiste est, par définition, quelqu’un qui s’y connaît dans un domaine. Il n’est donc pas étonnant que d’importantes lacunes apparaissent parmi la population dans les enquêtes sur ses connaissances économiques.

Cette absence de savoir est-elle problématique ? La réponse est identique : chacun est libre de décider du temps qu’il veut ou non investir pour acquérir un savoir dans un certain domaine. Les gens ne s’intéressent pas tous avec le même degré d’intensité aux mécanismes économiques qui s’avèrent importants pour, par exemple, gérer un patrimoine ou conclure une hypothèque. Certains préfèrent s’en remettre à des experts.

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Or, contrairement à d’autres domaines, les mécanismes économiques ne servent pas qu’à prendre des décisions personnelles. Ils sont également à la base de décisions qui touchent l’ensemble de la population. Dans les domaines de la politique fiscale, de la prévoyance-vieillesse et de la politique monétaire, des décisions lourdes de conséquences pour tout un chacun sont prises régulièrement. En Suisse, la démocratie directe permet d’ailleurs aux citoyens d’avoir voix au chapitre dans tous ces domaines.

La méconnaissance des mécanismes de l’économie a donc des répercussions qui vont au-delà des personnes concernées. C’est dire l’importance du savoir de la population en économie sur les sujets d’actualité. C’est ici que les économistes interviennent. Leur mission est d’expliquer des problèmes complexes à leurs mandants et à l’opinion publique pour que les gens qui ont peu de temps comprennent les enjeux en présence. Le défi est de n’omettre aucune information essentielle tout en privilégiant la concision.

Dans les débats sur des sujets économiques, il est fréquent que les experts arrivent à des conclusions différentes. Il est donc important de porter la question sur la place publique. La difficulté est de trouver un équilibre entre les phrases-chocs et les propos nuancés. L’évolution du paysage médiatique et de la société montre que l’on accorde toujours plus de poids aux formules à l’emporte-pièce. C’est pourquoi il est indispensable de tenir compte des liens de dépendance professionnels, financiers ou institutionnels des experts qui prennent part au débat. L’opinion de ceux qui peuvent faire entendre une voix indépendante y sera d’autant plus précieuse.

Proposition de citation: Adriel Jost (2019). Le problème du manque de connaissances. La Vie économique, 16 octobre.