Les droits de séjour des citoyens suisses au Royaume-Uni sont protégés avec le nouvel accord signé entre les deux États. Un contrôle des passeports à l’aéroport londonien d’Heathrow. (Image: Shutterstock)
Environ 43 800 ressortissants britanniques séjournaient en Suisse et 36 800 citoyens suisses vivaient au Royaume-Uni à fin 2019[1]. L’accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’ Union européenne (ALCP) perdra sa validité pour ces personnes à la fin de la période transitoire, soit probablement à la fin de l’année 2020.
La fin de l’applicabilité de l’ALCP est restée pendant longtemps entourée d’incertitudes, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) ayant été reportée à plusieurs reprises. Ces incertitudes se sont en particulier fait ressentir dans l’économie lors du recrutement de main-d’œuvre qualifiée, mais également au sein des services cantonaux des migrations et du travail chargés de l’exécution. L’inquiétude était également palpable auprès des citoyens concernés qui ont adressé des questions concrètes au Secrétariat d’État aux migrations (SEM).
C’est pourquoi la Suisse et le Royaume-Uni ont conclu en novembre 2018 l’accord sur les droits acquis des citoyens, afin de préserver au-delà du Brexit les droits acquis en matière de libre circulation par les ressortissants suisses et britanniques. L’ALCP a servi de base juridique : celui-ci prévoit en effet que les droits acquis par les particuliers ne sont pas touchés en cas de non-reconduction ou de dénonciation de l’ALCP[2]. L’accord doit encore recevoir l’aval du Parlement. Le Conseil national sera le premier à l’examiner, probablement en mai 2020.
L’ALCP demeurant applicable pendant la période transitoire, le nouvel accord ne sera pas nécessaire jusqu’à la fin de l’année. Son entrée en vigueur est prévue au plus tôt début 2021. Des entretiens ont actuellement lieu entre la Suisse et le Royaume-Uni pour régler leurs futures relations dans le domaine des migrations.
Une protection réciproque des droits
L’accord sur les droits acquis des citoyens couvre les trois annexes de l’ALCP : la libre circulation des personnes au sens étroit, la coordination des systèmes de sécurité sociale et la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles. Il protège les droits des citoyens suisses ou britanniques qui ont fait usage de leur droit à la libre circulation des personnes à l’époque où l’ALCP était applicable. L’accord ne s’applique en revanche pas aux ressortissants suisses et britanniques qui souhaiteront entrer et séjourner sur le territoire de l’autre État après l’extinction de l’applicabilité de l’ALCP entre leurs États.
Le nouvel accord protège les droits de séjour (avec ou sans activité lucrative), le droit au regroupement familial, l’activité lucrative des travailleurs frontaliers, la poursuite des prestations de services à la personne (jusqu’à 90 jours par année civile) sur le territoire de l’autre pays par des entreprises ou des travailleurs indépendants domiciliés en Suisse ou au Royaume-Uni et le droit d’acquérir des immeubles. L’accord est plus restrictif que l’ALCP sur certains points de la libre circulation des personnes et renvoie à la législation nationale. Cela concerne en particulier le droit au regroupement familial du futur conjoint, l’obtention du statut de résidence permanente, le caractère constitutif de l’autorisation de séjour, l’ordre public et les prestations de services.
Dans le domaine de la sécurité sociale, les règles de coordination de l’UE doivent toujours pouvoir être utilisées. Les spécificités de l’ALCP sont également maintenues. En ce qui concerne la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, les décisions de reconnaissance demeurent valables au-delà du Brexit. Après l’extinction de l’applicabilité de l’ALCP, les citoyens suisses et britanniques pourront déposer une demande de reconnaissance en vertu des dispositions jusqu’alors en vigueur pendant une période transitoire de quatre ans.
Le scénario du pire évité
Outre l’accord sur les droits acquis des citoyens, la Suisse avait conclu un second accord mis en place en 2018 en cas de sortie désordonnée de l’UE. Le Royaume-Uni ayant quitté l’UE avec un accord de retrait, ce second accord n’est toutefois plus nécessaire dans sa forme actuelle.
L’accord temporaire ne se serait appliqué qu’aux personnes souhaitant entrer et exercer une activité lucrative sur le territoire de l’autre État après un Brexit sans accord. D’un point de vue matériel, son contenu se limitait à l’accès au marché du travail. Les personnes sans activité lucrative, les personnes en regroupement familial, les prestataires de services transfrontaliers et les étudiants ne tombaient pas dans le champ d’application de l’accord, mais auraient continué d’être soumis aux conditions d’admission de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI).
Et à partir de janvier 2021 ? Une fois le « traitement du passé » réglé et les droits des citoyens protégés, il s’agira de négocier et d’aménager les relations futures dans le domaine des migrations avec le Royaume-Uni en veillant à ce que les citoyens suisses ne soient pas moins bien traités que les ressortissants de l’UE au Royaume-Uni.
Il ne reste pas beaucoup de temps pour négocier et conclure un accord pour le cycle qui s’ouvrira à la fin de la période transitoire. L’étendue et le domaine de réglementation d’un ou de plusieurs accords restent aujourd’hui encore ouverts. L’enjeu consistera là encore à garantir la sécurité du droit pour les citoyens et l’économie afin qu’il soit possible de recruter la main-d’œuvre qualifiée nécessaire.
- Pour des raisons de lisibilité, seule la forme masculine est employée dans la suite de l’article, mais elle désigne aussi bien les hommes que les femmes. []
- Art. 23 ALCP. []
Proposition de citation: Lüthy, Cornelia (2020). Le marché du travail entre la Suisse et le Royaume-Uni reste ouvert. La Vie économique, 23. mars.