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Les consommateurs exigent davantage de durabilité

La crise du coronavirus modifie le comportement des consommateurs. Deux phénomènes ressortent : la tendance des achats en ligne et la demande accrue en produits régionaux.

Les consommateurs exigent davantage de durabilité

Energie tanken im Wald: Jogger beim Rotsee in Luzern. (Image: Keystone)

Le commerce de détail non alimentaire a fortement rebondi en Suisse après le semi-confinement du printemps 2020. De nombreux consommateurs ont acheté en mai ce qu’ils avaient remis à plus tard en avril. Parallèlement, les détaillants helvétiques ont profité du fait que les Suisses étaient moins nombreux à se rendre de l’autre côté de la frontière pour y faire leurs achats. Ce climat positif devrait perdurer au-delà de l’été[1].

La pandémie a modifié les comportements d’achat. La crise du coronavirus semble avoir suscité une prise de conscience de la durabilité chez de nombreux consommateurs, comme le confirment les résultats de l’étude « Covid-19 consumer trends » réalisée en Suisse romande et alémanique entre avril et juin 2020 par l’institut d’étude de marché GFK[2]. En matière de comportement d’achat, on observe ainsi une tendance nette à acheter régional. Trois personnes interrogées sur quatre craignent que les petites entreprises et les commerces soient contraints de fermer leurs portes et veulent délibérément les soutenir. Plus de la moitié a l’intention de s’approvisionner plus fréquemment dans les petits magasins et d’acheter des produits locaux. Les points de vue éthiques jouent également un rôle accru. Les consommateurs suisses demandent plus souvent d’où viennent les produits et comment ils ont été fabriqués.

Les personnes interrogées veulent en outre prêter davantage d’attention à leur santé et à l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Elles ont été nombreuses à réfléchir à leur ancien mode de vie et à leurs valeurs durant la première vague de la pandémie et emportent ces idées dans la « nouvelle normalité ». Alors que la liberté personnelle était en tête des valeurs individuelles avant le coronavirus, la priorité va désormais au bien-être et à la sécurité de la famille. Plus de 70 % des sondés indiquent qu’ils exploiteront mieux leur temps disponible à l’avenir, par exemple pour se détendre dans la nature ou faire la cuisine.

Les rencontres virtuelles et autres solutions numériques qui ont accompagné les gens à leur corps défendant pendant la crise auront désormais davantage d’importance. Plus de la moitié des personnes interrogées pensent que le télétravail fera désormais partie du quotidien. Tout cela entraîne certaines modifications du comportement d’achat et de l’attitude des consommateurs.

Le changement climatique figurait comme l’année précédente au premier rang des préoccupations avant la pandémie de Covid-19 (voir illustration)[3]. Ce constat vaut surtout pour la jeune génération : même si la crise du coronavirus était prédominante lors du semi-confinement au printemps, ses préoccupations environnementales ont repris le dessus en juin déjà – de manière encore plus marquée qu’en 2019.

Préoccupations principales de la population suisse




Remarque : chaque barre du graphique représente la proportion de personnes pour lesquelles un sujet fait partie des trois préoccupations principales.

Source : GFK (2019 et 2020c) / La Vie économique

Des entreprises responsables


Les enquêtes montrent également que presque 40 % des personnes interrogées attendent des entreprises qu’elles agissent de façon responsable. Les consommateurs ont envie de savoir d’où viennent les produits. Ils accordent une plus grande importance aux tendances écologiques, aux aspects éthiques et aux conditions équitables de production et de livraison. C’est à présent le bon moment pour les entreprises de renforcer l’acceptation de leurs produits et de lever les barrières, en démontrant de façon transparente qu’elles agissent de façon responsable. L’authenticité est essentielle à une communication crédible.

Les entreprises sont tenues de répondre à ces exigences. Elles peuvent par exemple miser sur la durabilité et élaborer des produits écologiques adaptés aux nouveaux modes de vie des consommateurs. La crise du coronavirus a également entraîné un nouveau sentiment d’appartenance communautaire : on attend désormais des entreprises qu’elles assument davantage de responsabilités sociales.

Une tendance à acheter en ligne


Du fait de la pandémie, les consommateurs ont expérimenté les avantages du commerce en ligne et achètent désormais de plus en plus sur Internet. L’essor du secteur en ligne sera donc supérieur à la moyenne cette année. Dans le non alimentaire, une croissance de l’ordre de 50 % est attendue par rapport à l’an dernier.

Le commerce stationnaire n’est pas non plus resté inactif : plusieurs sociétés ont mis au point de nouveaux concepts durant l’année en cours. Des petites et moyennes entreprises se sont ainsi associées régionalement pour s’adresser ensemble à la clientèle. On observe par ailleurs des concepts individuels, comme les conseils d’achat en ligne et en direct ou les offres « cliquer-retirer » (qui permettent de commander en ligne et de venir chercher la marchandise au magasin). De nombreuses entreprises offrent désormais un service de livraison à domicile qu’elles ne proposaient pas jusque-là.

Si les clients sont certes retournés dans les magasins après la réouverture des commerces stationnaires début mai, une partie de la nouvelle « clientèle numérique » continuera à acheter en ligne. Les détaillants traditionnels qui étaient en retard sur le marché concurrentiel du commerce en ligne vivent donc actuellement une phase cruciale. Pendant le semi-confinement, ils ont pu exploiter à fond la fidélité des consommateurs aux marques pour gagner davantage de clients sur leurs canaux numériques. Il leur faut désormais se concentrer sur la capacité à conserver cette clientèle en lui présentant une offre physique et numérique élargie. Les ventes en direct, qui connaissent un immense succès en Chine, sont un bon exemple d’offres « physinumériques ». Lors de ces événements qui se déroulent notamment sur les réseaux sociaux, des célébrités jouent le rôle de vendeurs.

Ces exemples montrent qu’il est possible de mettre au point des modèles qui combinent le commerce stationnaire et la vente en ligne. Les solutions numériques peuvent jouer un rôle, tout comme le service à la clientèle, les conseils ou de nouvelles méthodes de paiement et expériences.

Le non alimentaire victime du coronavirus


L’enquête trimestrielle « GFK Markt Monitor » menée auprès de 40 détaillants suisses révèle que le secteur non alimentaire a été le grand perdant du semi-confinement du printemps 2020[4]. Les branches de l’habillement, de l’optique, de l’ameublement et du jardinage ont connu une baisse particulièrement sensible de leur chiffre d’affaires, tout comme les voyagistes. En mars et en avril, 26 % des personnes interrogées avaient différé ou annulé leurs projets de voyage.

Des gagnants ont cependant aussi émergé dans le commerce de détail durant le semi-confinement. Outre l’alimentation, les articles sanitaires et hygiéniques (thermomètres, désinfectants, etc.), les appareils de fitness à domicile ainsi que les accessoires techniques requis pour le télétravail et l’école à la maison ont été très demandés, tout comme les jeux de société, les jouets pour enfants et les consoles de jeu.

Le commerce de détail suisse a ainsi bouclé le premier semestre 2020 sur une progression de 5,5 % par rapport à l’année précédente. Les moteurs décisifs de cette évolution positive ont été les marchés de l’alimentaire et du para-alimentaire. Le secteur non alimentaire a en revanche enregistré une diminution de 5,2 % à cause du semi-confinement.

Les perspectives du domaine non alimentaire sont cependant également positives. La plupart des commerces ont pu rattraper au cours des mois suivants une partie des pertes subies au printemps. L’électronique grand public a notamment su tirer son épingle du jeu. Les achats d’ordinateurs portables, d’écrans, de consoles de jeux vidéo, de souris d’ordinateur, de claviers ainsi que d’appareils de cuisine, de réfrigérateurs et de tondeuses à cheveux électriques ont ainsi été nettement plus importants au premier semestre 2020 par rapport à la même période de l’année précédente. Dans le secteur du bricolage, les bacs à fleurs, les grils, les allume-feu, le matériel de jardinage, les équipements de place de jeu et les piscines ont fait l’objet d’une forte demande.

Au deuxième trimestre, le secteur des loisirs a lui aussi presque entièrement compensé les pertes des trois premiers mois. Les vélos électriques, les chaussures de sport et les petits appareils de fitness avaient notamment la cote.

Les grands centres de bricolage et le marché des loisirs n’ont pas été en reste. Dans le secteur de l’ameublement, les meubles de jardin ont enregistré une croissance significative au deuxième trimestre par rapport à l’année précédente. Les magasins de mode profitent eux aussi de la réouverture, bien qu’ils n’aient pas encore pu atteindre le niveau de l’année précédente.

Vers un changement de paradigme ?


Il n’est pas encore possible de prédire jusqu’où la Covid-19 transformera le monde, le commerce et notre vie. Est-ce un phénomène parasite qui ne fera que passer ? Ou la pandémie va-t-elle accélérer certaines tendances, voire engendrer un changement de paradigme rendant tout retour en arrière impossible ?

Il est probable que les réponses varient selon les secteurs une fois la crise surmontée. Seule une chose est certaine à l’heure actuelle : les tendances en cours – qui ont une influence sur le comportement d’achat des consommateurs – se sont fortement accélérées. Mais, projection réjouissante, le commerce devrait dans l’ensemble boucler positivement l’année 2020 en Suisse.

 

  1. GFK (2020b). []
  2. GFK (2020a). []
  3. GFK (2019) et GFK (2020c). []
  4. GFK (2020b). []

Bibliographie

Proposition de citation: Sandra Wöhlert (2020). Les consommateurs exigent davantage de durabilité. La Vie économique, 19 novembre.