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Les agents conversationnels transforment le monde bancaire

Les assistants virtuels sont toujours plus nombreux dans le secteur bancaire. Une étude montre que les jeunes sont plus enclins à suivre la recommandation d’un agent conversationnel que celle d’un conseiller financier en chair et en os. Mais leur confiance peut aussi être trompée.
Les clients appréhendent d’un œil plus critique les recommandations d’un conseiller bancaire en chair et en os par rapport aux propositions d’un algorithme. (Image: Keystone)

Plus de 70 % des 18–33 ans préfèrent se rendre chez le dentiste que dans leur banque. C’est ce que montre « l’indice de bouleversement de la génération Y » (« millenial disruption index »)[1], une enquête menée auprès des jeunes consommateurs et destinée à identifier les secteurs à fort potentiel de transformation. Plus d’un tiers des sondés affirment qu’ils peuvent se passer d’une banque traditionnelle, avec ses succursales et ses conseillers humains ; 73 % font même davantage confiance à Google, Apple et Amazon plutôt qu’à leur propre banque lorsqu’il s’agit de questions financières.

Bien que l’étude date d’environ six ans, ses conclusions sont plus pertinentes que jamais. Grâce à l’intelligence artificielle (IA), le consommateur moderne se fait lire chaque matin la météo et la liste des choses à faire pour la journée par l’assistante virtuelle d’Amazon « Alexa » ou par « Google Home ».

En résumé, les agents conversationnels (ou « chatbots ») et les assistants vocaux numériques sont entrés dans notre quotidien et vont profondément changer l’avenir du secteur bancaire. Dans ce monde nouveau, les attentes en matière numérique augmentent à l’égard des banques ou des courtiers.

Les systèmes analogiques en sursis ?


La pandémie de coronavirus a montré que les centres d’appel classiques atteignent rapidement leurs limites en cas de brusque augmentation des demandes et que leur capacité de traitement dépend du nombre d’employés. De même, les heures d’ouverture des centres d’appel sont souvent conçues en fonction des besoins de l’entreprise plus que de ceux des clients.

La différence est donc grande avec les agents conversationnels : ces systèmes de dialogue basés sur l’IA permettent en effet de discuter avec un dispositif entièrement automatisé et sont disponibles 24 heures sur 24, 365 jours par an et sans file d’attente.

Cet outil offre un avantage direct en matière de frais. Les coûts des services pourraient notamment être jusqu’à 30 % moins élevés grâce aux agents conversationnels[2]. Des études montrent également que ces conseillers virtuels améliorent de manière significative le processus d’intégration des nouveaux clients et renforcent la confiance dans le conseil. En outre, les assistants IA sont efficaces et entièrement automatisés : pour un même produit d’investissement, la recommandation a davantage de chances d’être acceptée lorsqu’elle émane d’un agent conversationnel plutôt que d’une autre voie de recommandation[3].

Les réponses et les questions des assistants virtuels donnent l’impression que l’agent conversationnel comprend le client et ses besoins. Remplir de simples cases de formulaire sur un site Internet est beaucoup moins inspirant qu’un échange quasi ludique avec un agent virtuel. Des jeunes pousses suisses à succès actives dans les technologies financières comme Selma Finance montrent que les agents conversationnels, les émoticônes colorés et la banque ne doivent pas s’exclure mutuellement. Au contraire : au temps du coronavirus, ces outils favorisent l’individualisation à un degré élevé, tout en étant très standardisés et peu coûteux.

Confiance, mais prudence


Des études ont montré qu’un excès de confiance peut également avoir des conséquences négatives. Une recommandation d’investissement objectivement erronée ne correspondant pas au profil de risque de l’investisseur a ainsi davantage de chances d’être acceptée par celui-ci quand elle vient d’un agent conversationnel. Inconsciemment, nous pensons que l’algorithme du robot-conseiller va évaluer correctement que je devrais prendre un peu plus de risques, alors que nous sommes naturellement portés à questionner la recommandation d’un représentant commercial humain.

Parallèlement, l’utilisation croissante des agents conversationnels et d’autres assistants numériques suscite des attentes plus exigeantes de la part des clients[4]. Prenons l’exemple d’un échange avec l’assistant numérique de Postfinance. Une simple question sur les « ETF (fonds négociés en bourse, ndlr) à faible coût dans le secteur technologique » amène le service automatisé à me demander si je suis intéressé par des « informations générales sur les opérations boursières ». Ce n’est évidemment pas le cas, car j’ai posé une question précise à laquelle j’attends une réponse précise. Tandis que l’agent conversationnel me propose d’ouvrir un compte de commerce électronique, je trouve les informations souhaitées beaucoup plus vite et facilement grâce à une courte recherche sur Google.

Un regard vers l’avenir


L’utilisation ciblée des agents conversationnels et des assistants numériques dans le domaine bancaire ouvre des possibilités de connexions plus directes plaçant le client au centre. Pour celui-ci, le conseiller virtuel doit être un point de contact « toujours là pour moi », un « conseiller financier personnel à portée de clic », à l’instar du système « Cleo » – développé par la société du même nom, qui me communique à tout moment le solde de mon compte par un bref échange et m’aide à organiser mes finances.

Ces aspects soulèvent de nouvelles questions : l’agent conversationnel reflète-t-il les valeurs de l’entreprise dans le ton et la présentation adéquats ? Quelles valeurs d’entreprise les avatars humains « Selma » (Selma Finance), « Carl » (Zak / Banque Cler), « Amelia » (Credit Suisse) ou un robot sans nom (Postfinance) me communiquent-ils ? Comment combiner intelligemment les atouts du conseil humain et les avantages de l’assistant numérique ? Enfin, les services automatisés fournis par les agents conversationnels peuvent-ils et doivent-ils être soumis aux mêmes règles que les conseils financiers humains ?

En théorie, le robot-conseiller me propose le produit financier adapté, de manière honnête et compétente. Des études montrent cependant que nous sommes davantage enclins à faire confiance à la sélection de l’algorithme qu’à celle d’un conseiller bancaire humain. Cela suscite de nouvelles exigences réglementaires pour garantir en particulier que les investisseurs privés et de petite taille soient capables de suffisamment questionner la recommandation d’un agent conversationnel. Il faudrait par exemple rendre transparente la manière dont celui-ci sélectionne les produits financiers proposés.

L’avenir de la banque, fait d’agents conversationnels et d’assistants numériques, ne sera pas nécessairement meilleur, mais différent. Il nécessite en particulier de nouvelles compétences au sein des entreprises pour transformer les besoins du consommateur moderne en produits numériques. Car traiter avec sa banque peut aussi se révéler une expérience agréable.

  1. Conway (2017). []
  2. Maruti Techlabs (2017). []
  3. Hildebrand et Bergner (2019 et 2020). []
  4. Jung et al. (2018), Lourenço et al. (2020). []

Bibliographie

Bibliographie

Proposition de citation: Christian Hildebrand ; Anouk Bergner ; (2021). Les agents conversationnels transforment le monde bancaire. La Vie économique, 22 mars.