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Seules des lois efficaces peuvent assurer le respect de l’environnement et des droits humains. C’est une question de volonté politique.
Chantal Peyer, Cheffe d’équipe Entreprises et droits humains, Pain pour le prochain, Lausanne

Prise de position

Fin novembre, 50,7 % de la population acceptait l’initiative pour des multinationales responsables. Cela n’a pas suffi à atteindre la majorité des cantons, mais constitue un signe fort : en pleine vague de coronavirus, une majorité de Suisses ont affirmé que le respect du droit à un travail décent, à la santé et à la vie était une valeur non négociable, y compris dans les pays les plus pauvres. Les entreprises multinationales doivent placer le respect des droits humains et de l’environnement au cœur de leur action. Les citoyens ont également souligné qu’ils étaient prêts à s’engager fortement si les autorités fédérales et le Parlement ne tenaient pas compte de leurs préoccupations.

Car préoccupations, il y a. Depuis plus de dix ans, Pain pour le prochain enquête sur le secteur des matières premières en République démocratique du Congo (RDC), au Libéria ou encore en Ouganda. Sur le terrain, nous documentons les pollutions de rivières, les déplacements forcés de population ou encore les accidents industriels qui affectent la santé de dizaines de personnes, sans que celles-ci aient accès à des soins adéquats. En RDC, les filières artisanales constituent un défi criant : des dizaines de milliers de travailleurs vont creuser à mains nues, sans infrastructure adéquate, dans des tunnels parfois profonds de 80 mètres. Les accidents sont nombreux, souvent fatals. Et dans le nord du pays, cette insécurité est accentuée par la présence de milices armées.

Les choses doivent changer


Le contre-projet à l’initiative pour des multinationales responsables pourrait améliorer la situation de ces creuseurs – pour autant que l’administration incite les sociétés suisses à investir dans la création de filières transparentes avec les communautés touchées. Mais pour les autres violations des droits humains, le contre-projet du Conseil fédéral n’apportera aucune amélioration. Premièrement, le texte ne couvre que quatre minerais (tantale, étain, or, tungstène). Dans tous les autres secteurs – cuivre, cobalt ou encore pétrole – les sociétés n’ont aucune obligation de mettre en place des politiques de droits humains crédibles. Deuxièmement, le contre-projet ne prévoit ni mécanisme de sanction, ni possibilité de plainte pour les victimes. Quand la filiale d’une entreprise suisse pollue les champs de paysans ou émet des substances toxiques qui empoisonnent les riverains, la maison-mère n’est exposée à aucune sanction.

Une majorité de citoyens veulent une économie suisse forte et responsable. Pour la construire, les autorités peuvent s’appuyer sur un contexte international en rapide évolution. Le parlement européen a par exemple adopté le 11 mars à une large majorité un texte qui prévoit que les sociétés opérant sur le sol européen puissent être condamnées en justice pour manquement à leur devoir de vigilance sur les risques environnementaux et sociaux. Instaurer d’ici peu une telle loi en Suisse n’est qu’une question de volonté politique.

Proposition de citation: Chantal Peyer (2021). Prise de position: Assumer ses responsabilités. La Vie économique, 31 mai.