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Vaccins contre le coronavirus : Swissmedic a mis le turbo

La procédure qui a conduit à l’autorisation des vaccins contre la Covid-19 en un temps record en Suisse est un modèle de réussite. L’accélération de certains processus de l’autorité de réglementation des produits thérapeutiques Swissmedic a joué un rôle essentiel.

Vaccins contre le coronavirus : Swissmedic a mis le turbo

Les premiers vaccins contre la Covid-19 étaient disponibles à peine neuf mois après l’éclatement de la pandémie. La résidente d’un home bâlois reçoit sa première dose fin décembre 2020. (Image: Keystone)

L’autorité de réglementation des médicaments en Suisse, Swissmedic (voir encadré), est sous les feux de la rampe depuis le début de la pandémie de Covid-19. D’un côté, on lui demande d’autoriser les vaccins et les médicaments le plus rapidement possible ; de l’autre, on attend d’elle qu’elle analyse et surveille attentivement leur sécurité avant et après leur mise sur le marché. Comment l’institut a-t-il survécu à cette crise jusqu’à présent ? Et quels enseignements préliminaires peut-on tirer à ce stade ?

Grâce à des mesures ciblées mises en place à la suite de l’expérience de la pandémie liée au virus H1N1 (« grippe porcine ») en 2009–2010, Swissmedic était paré pour faire face au pire. Il a intensifié la collaboration et le partage des informations avec ses partenaires internationaux, a mis au point des processus de traitement des demandes d’autorisation de médicaments en cas de pandémie et était techniquement prêt à gérer cette situation exceptionnelle grâce à la numérisation de la plupart des applications critiques. Lorsque le Conseil fédéral a imposé un « marathon » à la population en mars 2020, le groupe de travail « pandémie » avait déjà entamé ses travaux en s’appuyant sur un plan pandémie interne. Ce groupe a notamment veillé à adapter la gestion interne de l’organisation en fonction de la crise et à assurer la sécurité des collaborateurs grâce à diverses mesures (dont le télétravail) et à des bulletins d’information hebdomadaires.

Le groupe de travail Covid-19 de Swissmedic créé pour faire face à la pandémie s’est chargé d’entretenir l’échange d’informations avec diverses instances nationales, de préciser la mise en œuvre concrète des procédures existantes d’autorisation pour les médicaments contre la Covid-19 en cas de pandémie et de faciliter la communication avec le public. Les collaborateurs ont également pris part à l’examen scientifique de certains candidats vaccins en bonne voie d’être autorisés et ont conseillé des groupes d’experts en logistique dans le domaine de l’approvisionnement. Swissmedic a donc contribué à la préparation et à la mise en œuvre des mesures de lutte contre le coronavirus à l’échelon de la Confédération et à l’égard des cantons.

L’objectif de la communication avec les milieux politiques et la société civile en Suisse était d’être transparent et compréhensible pour tous, ainsi que de favoriser autant que possible la confiance dans les nouveaux vaccins autorisés : Swissmedic a expliqué les technologies et le fonctionnement des vaccins dans des vidéos faciles à comprendre pour le grand public déjà plusieurs semaines avant l’autorisation du premier vaccin contre la Covid-19 en décembre 2020. Dans ce cadre, il a également communiqué pour la première fois de manière plus intense via les réseaux sociaux afin d’atteindre autant de personnes que possible et de contrer la désinformation.

Un processus qui prend généralement des années


Début mars 2020, personne ou presque n’aurait pensé que les premiers vaccins seraient déjà disponibles neuf mois plus tard. Il faut normalement des années pour identifier et analyser suffisamment en détails de nouveaux principes actifs très prometteurs, et rares sont ceux qui atteignent le stade de médicament prêt à l’emploi (voir illustrations).

Ill. 1. Procédure classique de mise au point des vaccins




Source : Swissmedic / La Vie économique

Ill. 2. Accès au marché pour les vaccins contre la Covid-19




Source : Swissmedic / La Vie économique

Avant le début des essais cliniques sur l’être humain, les principes actifs candidats sont soumis à des simulations en laboratoire et à des essais précliniques sur des animaux. Pendant la phase clinique I, la préparation est d’abord testée sur un petit nombre de volontaires en bonne santé afin d’étudier les réactions de l’organisme, le métabolisme et la tolérance. La phase II, qui concerne quelques dizaines à quelques centaines de patients, fournit de plus amples informations sur la sécurité, l’efficacité et le dosage optimal.

Enfin, les essais de phase III, auxquels participent quelques centaines à quelques milliers de personnes, visent à déterminer le profil d’effets secondaires du produit ainsi que les groupes de personnes et de patients chez lesquels le bénéfice attendu dépasse les risques potentiels. Ce n’est que lorsque des conclusions statistiquement pertinentes permettent d’évaluer le ratio bénéfice-risque qu’une nouvelle préparation peut faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès des autorités de réglementation des médicaments. Dans ce cadre, les requérants doivent également expliquer comment ils assureront le suivi du profil de sécurité du médicament lorsque ce dernier sera utilisé à plus grande échelle (phase IV).

Tout n’a pas commencé à la case départ


Comment la Suisse a-t-elle pu délivrer le 19 décembre 2020 une première autorisation de mise sur le marché d’un nouveau vaccin contre la Covid-19 dans le cadre d’une procédure ordinaire ? Plusieurs facteurs ont joué un rôle et se sont par ailleurs combinés en raison de la pression des attentes. Dans l’industrie, les chercheurs ont pu s’appuyer sur des dizaines d’années de recherche fondamentale dans le domaine des technologies à ARN messager. Des données au sujet de la protéine de spicule (l’antigène) des coronavirus existaient déjà grâce aux travaux de recherche réalisés sur les vaccins lors d’épidémies précédentes (Sars en 2002–2003, Mers en 2012). Et, contrairement au passé, le séquençage génomique des virus ne prend aujourd’hui que quelques jours. Les résultats des recherches ont en outre été partagés de manière désintéressée et étaient rapidement accessibles au grand public. Alors qu’il constitue généralement un facteur limitant, le coût de la mise au point de ces vaccins était sans importance.

L’évolution de la pandémie a par ailleurs facilité l’expérimentation clinique des vaccins : suffisamment de volontaires désireux de participer aux essais ont pu être recrutés en un temps record à travers le monde. Enfin, les différentes phases des essais cliniques se sont chevauchées ou ont été conduites en parallèle.

Swissmedic a de son côté mis le turbo : il a pris contact à un stade précoce avec des entreprises pharmaceutiques et des groupes de chercheurs, et organisé des entretiens de conseil pour préciser différents aspects scientifiques et réglementaires. Parallèlement, l’institut s’est mis d’accord avec d’autres autorités partenaires à travers le monde sur les exigences fondamentales à respecter dans le cadre de la mise au point et de l’autorisation des vaccins contre la Covid-19, notamment au sein de la Coalition internationale des autorités de réglementation des médicaments (ICMRA).

Swissmedic a en outre décidé d’analyser les dossiers en continu (« rolling submission ») pendant la pandémie afin d’accélérer le plus possible les procédures d’examen. Cette procédure permet aux requérants de ne pas présenter de dossier complet et d’envoyer les données au fur et à mesure. Les autorités compétentes les examinent en continu, par exemple dès qu’elles reçoivent de nouveaux résultats d’essais cliniques. Conjuguée à l’autorisation à durée limitée prévue par la loi sur les produits thérapeutiques – qui est une procédure d’autorisation ordinaire, et non une procédure d’urgence –, cette approche a permis de prendre des décisions extrêmement rapides sans faire aucun compromis sur l’examen approfondi de la sécurité, de l’efficacité et de la qualité des vaccins.

Cette pandémie ne sera pas la dernière


Quels enseignements Swissmedic peut-il tirer de l’expérience accumulée jusqu’à présent durant la pandémie ? Le fait d’avoir préparé un plan pandémie, de disposer d’un réseau national et international solide doté de canaux de communication bien établis et d’avoir numérisé une grande partie des activités sont autant d’éléments décisifs qui ont permis à Swissmedic de rester opérationnel en tout temps malgré la charge de travail élevée. Organisation d’importance systémique dans le domaine de la santé publique, Swissmedic a pu continuer à accomplir son mandat légal dans le domaine des autorisations de mise sur le marché et de la surveillance du marché, y compris pour les autres médicaments. La résolution de la crise requérait en outre une gestion claire ainsi qu’une planification flexible et adaptée à la situation. La transparence en matière de communication a renforcé la confiance et le sentiment de sécurité. Cette crise a également mis en exergue l’importance de la numérisation et des solutions innovantes.

La combinaison de tous ces facteurs, de la chance qu’ont eue les chercheurs et de leur volonté de s’entraider a permis de mettre à disposition des vaccins hautement efficaces et sûrs dans des temps records. La mise sur le marché des vaccins contre la Covid-19 est un modèle de réussite qui a pleinement servi les intérêts des patients et qu’il s’agira de préserver pour l’avenir.

Proposition de citation: Raimund Bruhin (2021). Vaccins contre le coronavirus : Swissmedic a mis le turbo. La Vie économique, 29 novembre.

Que fait Swissmedic ?

L’Institut suisse des produits thérapeutiques Swissmedic veille à ce que les produits thérapeutiques autorisés (médicaments et dispositifs médicaux) soient de qualité irréprochable, sûrs et efficaces. Il délivre les autorisations de mise sur le marché des médicaments et assure ensuite la surveillance de ceux-ci ainsi que des dispositifs médicaux. Rattaché au Département fédéral de l’intérieur, l’institut est organisé et géré de manière autonome, et dispose de son propre budget.