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OMC: Placer la planète sur une trajectoire durable

L’Organisation mondiale du commerce est la gardienne du libre-échange mondial. Mais que fait-elle en matière de durabilité? En 2022, trois nouvelles initiatives ont été lancées.
En 2014, l’OMC a confirmé la légalité de l’interdiction par l’UE du commerce des produits dérivés du phoque, mais a considéré que deux dérogations posaient problème. (Image: Keystone)

Le développement durable et la protection de l’environnement font partie des objectifs fondamentaux de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ces principes essentiels sont inscrits dans l’Accord de Marrakech, la charte fondatrice de l’OMC de 1994, dont le préambule reconnaît la nécessité pour les parties contractantes «à la fois de protéger et de préserver l’environnement et de renforcer les moyens d’y parvenir d’une manière qui soit compatible avec leurs besoins et soucis  respectifs à différents niveaux de développement économique».

Les accords de l’OMC fournissent un cadre de disciplines reconnaissant expressément le droit des membres de l’OMC d’adopter des mesures pour protéger l’environnement. L’Organisation offre également un forum de discussion sur les questions environnementales en rapport avec le commerce.

Règles de l’OMC

Les règles de l’OMC interdisent aux membres d’exercer une discrimination à l’égard des produits provenant de différents partenaires commerciaux. Toutefois, les articles XX(b) et XX(g) de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (Gatt) prévoient des exceptions pour les mesures nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des ressources naturelles épuisables, dès lors que la mesure ne constitue pas un «moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable» ou une « restriction déguisée au commerce international». Plusieurs autres accords de l’OMC tels que l’«Accord sur les obstacles techniques au commerce» ou l’«Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires» accordent également aux membres de l’organisation une certaine marge de manœuvre pour leurs mesures environnementales.

Depuis sa création, l’OMC a traité de différends juridiques concernant des mesures commerciales liées à l’environnement, telles que la conservation des tortues de mer (voir illustration). En effet, ce qui est clairement une mesure de protection de l’environnement pour un pays peut être perçu par un autre comme une barrière commerciale protectionniste créée délibérément. La jurisprudence de l’OMC a affirmé que les règles de l’Organisation ne prévalent pas sur les préoccupations environnementales et a contribué à clarifier les éléments juridiques importants pour garantir que les mesures ne soient pas détournées à des fins protectionnistes. Elle a également exigé de ses membres qu’ils recherchent des solutions environnementales dans un esprit de coopération.

Illustration: Affaires relatives à l’environnement portées devant l’OMC

Source : Organisation mondiale du commerce (2020) / La Vie économique

Un forum de discussion

Créé en 1994, le Comité du commerce et de l’environnement (CCE) a reçu le mandat spécifique d’identifier les relations entre les mesures commerciales et les mesures environnementales afin de promouvoir le développement durable. Le CCE est donc un véritable forum de discussion sur les questions relatives au commerce, au développement et à l’environnement.

Dans le cadre de ce travail, les membres du CCE échangent régulièrement leurs expériences et leurs points de vue sur un large éventail de questions relatives au développement durable et à l’environnement et à leurs liens avec le commerce. Parmi les sujets ayant fait récemment l’objet d’une attention particulière, citons les systèmes et méthodologies d’empreinte carbone, les éléments commerciaux des politiques d’atténuation et d’adaptation du climat, les prescriptions environnementales et l’accès aux marchés, les expériences et efforts partagés concernant la réforme des subventions aux combustibles fossiles, les efforts visant à lutter contre l’exploitation illégale des forêts et le commerce qui y est associé, les mesures visant à faciliter la diffusion des biens et services environnementaux, les systèmes d’éco-étiquetage et les dispositions pertinentes en matière de propriété intellectuelle.

Le CCE sert également de forum où les pays peuvent régulièrement informer les membres de l’OMC de l’avancée de leurs travaux dans le cadre d’autres forums internationaux, notamment le travail pertinent effectué par les accords environnementaux multilatéraux (AEM). Il permet donc aux délégués de l’OMC de se tenir informés des dernières initiatives mondiales en matière d’environnement et de mieux comprendre l’interaction entre le commerce et l’environnement.

Le Secrétariat de l’OMC tient également à jour une base de données sur l’environnement qui contient toutes les notifications relatives à l’environnement soumises par les membres de l’OMC ainsi que l’ensemble des mesures et des politiques environnementales mentionnées dans les examens des politiques commerciales des membres de l’organisation. En 2021, cette base de données environnementales a enregistré un nombre record de 931 notifications liées à l’environnement reflétant l’adoption de 2250 mesures. Cela représente une nette tendance à la hausse par rapport aux 165 notifications de ce type recensées en 1997.

Trois initiatives en faveur du développement durable

Ces deux dernières années, les travaux de l’OMC sur le commerce et l’environnement ont reçu un nouvel élan.

En décembre 2021, trois nouvelles initiatives environnementales ont été officiellement lancées par des déclarations ministérielles. Actuellement, elles sont soutenues par de nombreux membres de l’OMC, notamment la Suisse qui participe aux trois initiatives. . La première initiative prévoit la tenue de discussions structurées sur le commerce et la durabilité environnementale. Celles-ci ont pour objectif de favoriser la transparence et le partage d’informations, d’identifier les domaines de travaux futurs au sein de l’OMC, de fournir une assistance technique et de renforcer les capacités, en particulier celles des pays les moins avancés, ainsi que de travailler pour l’intégration de la durabilité environnementale dans les différents domaines de l’OMC. La deuxième initiative a permis le lancement d’un dialogue sur la pollution par les plastiques et un commerce des plastiques écologiquement durable[1]. Cette plateforme de discussion est née de la reconnaissance de la nécessité d’une action coordonnée pour faire face à l’augmentation des coûts environnementaux, sanitaires et économiques de la pollution par les plastiques et de l’importance de la dimension commerciale comme solution.

Enfin, la troisième initiative, qui porte sur la réforme des subventions aux combustibles fossiles, vise à rationaliser et à éliminer progressivement les subventions aux combustibles fossiles jugées inefficaces et qui incitent au gaspillage. L’objectif est d’encourager les membres de l’OMC à partager leurs informations et leurs expériences dans ce domaine pour faire avancer les discussions au sein de l’organisation.

En juin 2022, les membres de l’OMC ont adopté, lors de la 12e Conférence ministérielle, l’«Accord sur les subventions à la pêche». Ce texte constitue une avancée majeure pour la durabilité des océans, car il interdit les subventions néfastes à la pêche qui sont un facteur clé de l’épuisement généralisé des stocks de poissons dans le monde. L’accord représente également une réalisation historique pour les membres signataires, car il s’agit du premier accord de l’OMC axé sur la durabilité.

Un atout pour répondre à la crise climatique

Enfin, l’OMC a lancé son rapport sur le commerce mondial 2022 intitulé «Changement climatique et commerce international» à l’occasion de la COP27 des Nations Unies sur le changement climatique qui s’est tenue à Sharm El-Sheikh, en Égypte, en novembre 2022. Ce document explore les relations multiformes entre le commerce international et le changement climatique, analysant notamment comment les conséquences du changement climatique pourraient modifier les modèles et les relations commerciales et comment le commerce pourrait être un atout pour la réponse mondiale à la crise climatique. Il expose en outre les différentes façons dont la coopération commerciale internationale, encouragée par l’OMC, pourrait soutenir et réduire les coûts de la mise en œuvre de l’Accord de Paris et de la réalisation de l’objectif du Pacte de Glasgow pour le climat, à savoir des émissions nettes de gaz à effet de serre nulles d’ici le milieu du siècle. Ce rapport envoie donc un message clair: le commerce est un levier essentiel pour transformer l’économie mondiale et placer la planète sur une trajectoire durable.

  1. Voir l’article de Sugathan, Deere Birkbeck et Bellmann []

Bibliographie

Bibliographie

Proposition de citation: Ludivine Tamiotti ; Svetlana Chobanova (2022). OMC: Placer la planète sur une trajectoire durable. La Vie économique, 13 décembre.