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Uber, Ricardo, Airbnb et Cie: dois-je déclarer mes revenus aux impôts?

L’économie des plateformes est en plein essor. Selon une enquête anonymisée, rares sont ceux qui connaissent leurs obligations fiscales et sociales en lien avec les revenus qu’ils tirent de ces sites Internet.

Uber, Ricardo, Airbnb et Cie: dois-je déclarer mes revenus aux impôts?

S’ils travaillent un jour pour Uber, ils devront payer des impôts. Des enfants faisant du tricycle et de la voiture pour enfant «Bobby Car». (Image: Keystone)

«L’économie des plateformes» désigne un modèle commercial tirant avantage de la numérisation du marché. C’est l’un des modèles connaissant la plus forte croissance du monde qui s’est imposé dans la quasi-totalité des aspects de notre vie quotidienne. Rien de très surprenant à vrai dire: un simple téléphone que l’on peut glisser dans sa poche ouvre un nombre infini de possibilités. Toute l’année, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, on peut en effet accéder sans coûts fixes à une plateforme de portée mondiale qui tient lieu de canal de transmission et de distribution. L’accès à ces marchés est simple et ouvert à tous.

Les particuliers eux-aussi utilisent ces plateformes pour y proposer des prestations commerciales de toute sorte, qu’il s’agisse d’artisanat, de services informatiques, de location de logement, d’enseignement, de courtage ou encore de vente de marchandises. Les revenus réalisés sur ces sites sont soumis à l’impôt et aux assurances sociales, ce qui pose de nouveaux défis aux instances de contrôle des autorités fiscales, des assurances sociales et du travail dissimulé puisque les activités sur ces sites se déroulent la plupart du temps de manière anonyme entre différents cantons voire pays, et ne sont pas toujours annoncées ou déclarées[1].

Une enquête en ligne pour un premier bilan concret

Dans ce contexte, le Contrôle fédéral des finances (CDF) a voulu savoir dans quelle mesure les personnes proposant des prestations commerciales dans le cadre de l’économie des plateformes sont informées des obligations fiscales et sociales qu’elles doivent respecter afin de ne pas s’engager sur le terrain glissant du travail dissimulé ou de la fraude fiscale. Missionnée par le CDF, la Haute école spécialisée bernoise (BFH) a réalisé une enquête en ligne anonymisée auprès d’un échantillon de 851 personnes ayant vendu ou loué des objets ou bien proposé un service ou un logement à louer sur les plateformes numériques ces cinq dernières années.

Les questions de l’enquête avaient pour but d’évaluer le niveau de connaissances des utilisateurs des plateformes en matière de droits et d’obligations, et portaient plus particulièrement sur les activités entraînant des obligations de déclaration fiscale ou de transmission de renseignements aux assurances sociales.

Des divergences entre le niveau subjectif et objectif des connaissances

Concernant les obligations fiscales et sociales, près de la moitié des participants à l’enquête pensaient savoir ce qu’ils devaient déclarer ou sur quoi ils devaient être imposés (voir illustration).

Niveau subjectif des connaissances des personnes interrogées en matière fiscale et d’assurances sociales (2021)

Quelle: enquête BFH, graphique CDF / La Vie économique

 

Outre l’aspect subjectif, l’enquête a également cherché à établir le niveau objectif des connaissances des participants s’agissant de leurs obligations fiscales et sociales. Les résultats de l’enquête montrent que seulement 5% des personnes interrogées ont pu répondre correctement aux trois questions posées, tandis que 60% des sondés n’ont donné que de mauvaises réponses. Concrètement, les questions étaient les suivantes: a) «Savez-vous, en tant que vendeur/vendeuse d’objets (les biens vendus doivent avoir été collectés, achetés ou produits intentionnellement à des fins de revente), prestataire de services et loueur d’hébergement sur des plateformes, à partir de quel niveau de recettes vous devez reporter celles-ci sur votre déclaration fiscale?» b) «L’inscription auprès de la caisse de compensation est-elle obligatoire lorsqu’une activité indépendante exercée à titre d’activité principale engendre des recettes annuelles inférieures à 5000 francs?» Et enfin, c) «L’inscription auprès de la caisse de compensation est-elle obligatoire lorsqu’une activité indépendante exercée à titre d’activité accessoire engendre des recettes annuelles inférieures à 5000 francs?»[2].

Les résultats sont sans surprise

Les échanges commerciaux ont toujours existé, et l’économie des plateformes n’a pas tout réinventé dans ce domaine. Le travail dissimulé et la fraude fiscale ne sont pas non plus des phénomènes nouveaux, et ils ne se produisent pas non plus exclusivement dans l’univers numérique. Ce qui est nouveau en revanche, c’est qu’une partie de cette activité économique peut être exercée de n’importe quel point du globe, ce qui complique les contrôles. À cela s’ajoute le fait que de nombreux acteurs du marché n’ont pas conscience que ces nouvelles formes d’emploi et ces nouveaux modèles commerciaux s’accompagnent potentiellement de droits et de devoirs en matière fiscale et d’assurances sociales.

Les activités sur les plateformes servant encore souvent de complément de revenu ou de revenu d’appoint, il n’est pas surprenant que la plupart des personnes interrogées proposant ces prestations ne connaissent pas bien les obligations qui en découlent. Bien souvent, ces personnes exercent pour la première fois une activité indépendante ou ne se rendent pas compte qu’elles sont redevables de contributions aux assurances sociales ou d’impôts. Le fait que le droit fiscal et des assurances sociales soit considéré comme relativement complexe vient encore compliquer les choses. L’enquête conclut en outre que les participants surestiment systématiquement leurs connaissances en la matière.

Outre des campagnes d’information visant à sensibiliser les utilisateurs des plateformes aux obligations en matière fiscale et d’assurances sociales, de nombreux pays ont instauré pour les plateformes une obligation de déclaration auprès des autorités. Aucune mesure de ce type n’a été prise en Suisse à ce jour.

  1. Voir sur le site du Contrôle fédéral des finances []
  2. Les réponses sont les suivantes: (a) dès le premier franc (b) oui (c) oui []

Proposition de citation: Roger Lanicca (2023). Uber, Ricardo, Airbnb et Cie: dois-je déclarer mes revenus aux impôts. La Vie économique, 07 août.