Les montres ont un passeport
La tête de saint-bernard poinçonnée sur les montres en métaux précieux suisses atteste de leur qualité. (Image: Keystone)
Les métaux dits précieux, c’est-à-dire l’or, l’argent, le platine et le palladium, ont toujours exercé une grande fascination en raison de leurs qualités esthétiques et physiques, et de leur rareté. Si ces métaux servent encore aujourd’hui à fabriquer nombre d’objets précieux, ils font aussi malheureusement l’objet de falsifications, obligeant la plupart des pays à mettre en place des législations visant à protéger les consommateurs des contrefaçons et des tromperies.
Il existe différentes manières de marquer les ouvrages en métaux précieux à travers le monde. Dans certains pays, ceux-ci portent la mention du métal précieux dont ils sont constitués, par exemple sous la forme de son symbole chimique ou d’une initiale dans la langue du pays concerné. Ils peuvent également porter l’indication d’un titre légal exprimé en millièmes, c’est-à-dire de la proportion de métal précieux contenue dans l’alliage. Citons par exemple l’or 18 carats (abrégé 18 K) qui est composé aux trois-quarts d’or fin, soit 750 millièmes, le reste étant constitué d’autres métaux, principalement de cuivre et d’argent. Dans la grande majorité des cas, les ouvrages en métaux précieux comportent également la marque de l’orfèvre ou de l’entreprise qui les a fabriqués. Enfin, de manière à pouvoir garantir la conformité de l’indication de titre apposée, certains pays exigent qu’un contrôle étatique de l’exactitude de la teneur en métaux précieux soit effectué par des spécialistes qualifiés: en Suisse, cet examen est réalisé par des «essayeurs jurés» qui sont assermentés. Ces différents marquages sont parfois utilisés de manière cumulative.
Une tête de saint-bernard comme poinçon
En Suisse, tous les ouvrages en métaux précieux doivent porter au minimum l’indication de titre légal et la marque du fabricant responsable, c’est-à-dire un «poinçon de maître» qui doit être enregistré auprès d’une entité spécialisée de l’Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières: le Bureau central de contrôle des métaux précieux. Il existe en outre une réglementation spéciale pour les montres: en plus de ces deux marquages, les boîtes de montres en métaux précieux doivent également porter le sceau de l’État.
Situés à Brügg (dans le canton de Berne), à Chiasso, à Genève, à la Chaux-de-Fonds, au Noirmont et à Zurich, les bureaux de contrôle des métaux précieux (BCMP) sont chargés de contrôler la composition et les marques apposées sur les montres en métaux précieux et d’attester de leur qualité en apposant sur chaque garde-temps le «poinçon officiel suisse de garantie». Représentant une tête de saint-bernard, ce marquage officiel peut être apposé à l’aide d’un poinçon mécanique ou par laser, ce qui permet de poinçonner en quelques secondes les pièces fragiles ou de forme complexe sans risquer de les déformer.
L’apposition du poinçon officiel suisse constitue parfois une véritable prouesse technique. Certains fabricants déposent leurs ouvrages directement auprès des BCMP pour les faire poinçonner, mais lorsque la production est très importante, des collaborateurs des BCMP se rendent dans les locaux des maisons horlogères pour poinçonner les pièces sur place. Le poinçon à tête de saint-bernard est un motif particulièrement complexe, très difficile à contrefaire. Il joue ainsi un rôle actif dans la lutte contre la concurrence déloyale et la contrefaçon et contribue au maintien de la renommée des produits suisses à travers le monde.
Un passeport international
De nombreux autres États (par exemple le Royaume-Uni et l’Italie) connaissent également un système de marquage étatique obligatoire des ouvrages en métaux précieux. Afin de faciliter le commerce international, tout en assurant la protection des consommateurs, plusieurs pays, dont la Suisse, ont signé en 1972 la «Convention sur le contrôle et le poinçonnement des ouvrages en métaux précieux». Basé sur des critères d’exigence communs très élevés, cet accord multilatéral[1] appelé communément la Convention «Hallmarking», par allusion au «hall» où l’on apportait à Londres les ouvrages en métaux précieux au Moyen-Âge afin de les faire poinçonner, permet la reconnaissance des systèmes de contrôle des ouvrages et des poinçons entre ses membres. Outre leurs poinçons nationaux respectifs, les membres de la Convention apposent également sur les ouvrages le poinçon international commun de la Convention «Hallmarking», représenté par une balance dans un octogone. En Suisse, ce sont les BCMP qui apposent ce sceau d’authenticité supplémentaire sur les montres et les autres ouvrages en métaux précieux.
Augmentation du nombre de contrôles officiels et de poinçonnements des ouvrages et des montres en métaux précieux en Suisse (2000 – 2022)
En 2022, 2,9 millions d’ouvrages en métaux précieux ou multimétaux ont été officiellement contrôlés et poinçonnés en Suisse, 99% portant également le poinçon commun de la Convention «Hallmarking». 27% de ces ouvrages étaient des montres (voir illustration).
Largement reconnu à l’étranger comme un symbole de qualité, ce poinçon international commun, doublé du poinçon officiel national, offre à l’industrie suisse, leader mondial de l’horlogerie haut de gamme, un réel passeport à l’exportation.
Poinçons suisse et de la Convention «Hallmarking»
Poinçon officiel suisse |
En Suisse, les boîtes de montres en or, en argent, en platine ou en palladium sont soumises au contrôle et au poinçonnement officiel obligatoire. Pour tous les ouvrages en métaux précieux autres que les boîtes de montres (par exemple les bijoux) ou les ouvrages en multimétaux (c’est-à-dire composés de métaux précieux et de métaux communs), ce contrôle est facultatif. |
Poinçon commun de la Convention « Hallmarking » |
Grâce à la reconnaissance mutuelle des poinçons nationaux autorisés et du poinçon commun ainsi qu’à l’harmonisation des titres, des méthodes de contrôle et des prescriptions de marquage des ouvrages en métaux précieux, la Convention sur le contrôle et le poinçonnement des ouvrages en métaux précieux (Convention «Hallmarking») permet à la fois de faciliter le commerce international et de protéger les consommateurs. Au cours des deux dernières décennies, la demande de poinçonnage d’ouvrages de bijouterie ou multimétaux n’a cessé d’augmenter, ce qui peut être considéré comme une preuve de l’efficacité de la Convention dans le commerce international. |
- La Convention «Hallmarking» compte actuellement 21 États membres: l’Autriche, Chypre, la Croatie, le Danemark, la Finlande, la Hongrie, l’Irlande, Israël, la Lettonie, la Lituanie, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Serbie, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède et la Suisse. L’Italie deviendra le 22ème membre de la Convention le 15 décembre 2023. []
Proposition de citation: Bridy, Flaminia (2023). Les montres ont un passeport. La Vie économique, 30. octobre.