Markus Dieth, conseiller d’État du canton d’Argovie (Le Centre) et président de la Conférence des gouvernements cantonaux (CdC), Berne
Si bien des choses ont changé depuis la fondation de l’État fédéral et du fédéralisme, dont nous avons célébré les 175 ans cette année, certaines sont en revanche restées identiques. De nos jours comme à l’époque, la Confédération préconise régulièrement des directives aussi centralistes et uniformes que possible en arguant que ce sont les meilleures solutions pour la Suisse. Mais aujourd’hui comme hier, tel n’est pas le cas a priori: les solutions cantonales ont souvent l’avantage d’être largement étayées et de répondre aux multiples besoins directs de la population.
Le fédéralisme assure la cohésion de la Suisse: il en garantit la stabilité, favorise l’innovation et renforce son économie. Il est à la fois le cœur, l’âme et la clé du succès de la Willensnation Suisse, la nation suisse comprise comme l’émanation d’une volonté politique commune. Il permet de cultiver la diversité et les particularités tout en se montrant solidaire des autres parties du pays.
Seul un système fédéraliste a permis, il y a 175 ans, de constituer une alliance d’entités géographiquement, linguistiquement et culturellement très différentes. Les fossés étaient alors encore plus profonds qu’aujourd’hui, mais le fédéralisme a permis de dépasser la méfiance mutuelle. Nous avons appris à vivre avec des contradictions qui sont même devenues notre force. Il ne faudrait pas mettre en péril cette situation de manière inconsidérée.
L’uniformité ne favorise ni l’innovation ni la créativité
Le fédéralisme demande à être vécu: nous devrions, aujourd’hui encore, mettre davantage en exergue les aspects positifs inhérents à la diversité des conceptions et des compétences. Nous devrions prendre conscience du fait que la diversité renforce notre unité.
Dans ma fonction de président de la Conférence des gouvernements cantonaux, je constate régulièrement que le fédéralisme encourage la tolérance et le respect mutuel. Il part du postulat que toute communauté apporte sa contribution à l’édifice commun, chaque canton et chaque commune pouvant trouver des solutions adaptées à sa communauté. Le fédéralisme, c’est la conviction que la diversité des solutions qu’il génère fait notre succès.
La Suisse fait partie des nations les plus concurrentielles du monde. Notre pays offre une qualité de vie très élevée. La concurrence que se livrent les 26 cantons pour fournir des prestations étatiques attractives les conduit à modérer la charge fiscale, ce dont bénéficient la population et l’économie. La diversité culturelle de notre petit pays contribue elle aussi de manière déterminante à notre qualité de vie: l’uniformité ne favorise ni l’innovation ni la créativité. L’être humain n’est incité et capable de développer des idées et des solutions d’avenir que sous l’impulsion de la diversité. La diversité dans l’unité n’est pas une contradiction, tout comme l’harmonie ne naît pas de l’unisson mais de l’association de différentes notes.
Proposition de citation: Dieth, Markus (2023). Le fédéralisme unit la Suisse. La Vie économique, 12. décembre.