Commerçants: attention à l’arnaque à l’annuaire!
Attention aux envois frauduleux de factures. Imitant un expéditeur officiel, ceux-ci se multiplient en ce moment. (Image: Keystone)
De nombreuses entreprises se sont déjà fait prendre: à peine ont-elles créé leur société ou modifié leur raison sociale que déjà leur parvient une facture ressemblant à un document émis par le registre du commerce officiel du canton. L’émetteur de cette facture n’a pourtant rien à voir avec le service cantonal compétent! Le procédé est d’autant plus perfide que la facture est envoyée dès la publication ou la modification de la raison sociale dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC), soit avant que le registre du commerce n’envoie sa facture.
L’expéditeur de la facture frauduleuse se pare souvent d’un nom qui rappelle les offices cantonaux du registre du commerce, l’index central des raisons de commerce Zefix ou une autre autorité. Même le nom du Seco, c’est-à-dire du Secrétariat d’État à l’économie, a déjà été utilisé abusivement. Certains vont même jusqu’à apposer sur leur courrier non seulement une inscription dans les trois langues nationales, mais également la croix suisse ou les armoiries de la Confédération.
Cette pratique appelée «arnaque à l’annuaire» a fortement augmenté en 2023. Seuls ceux qui prennent le temps de lire attentivement le texte écrit en petits caractères se rendent compte qu’en réglant le montant réclamé, ils ne s’acquittent pas de l’émolument dû à l’office cantonal du registre du commerce, mais concluent un contrat pour l’inscription de leur société dans un annuaire professionnel inutile qui, dans le meilleur des cas, est publié sur Internet.
Généralement imprimées en tous petits caractères, les conditions générales de vente (CGV) précisent que le contrat porte sur une durée d’un an et qu’il sera ensuite reconduit tacitement à titre onéreux, sauf résiliation dans le délai prévu avant l’échéance.
Attention lors du dépôt d’une marque
D’autres pièges guettent les entreprises, notamment lorsqu’elles souhaitent protéger leur raison de commerce en tant que marque. Dans ce domaine aussi, la vigilance est de mise, car l’Institut Fédéral de la propriété intellectuelle (IPI) est le seul organisme habilité à percevoir une taxe pour l’enregistrement d’une marque. Comme dans le cas des annuaires professionnels, régler une facture jointe à une offre non sollicitée équivaut à conclure un contrat à titre onéreux pour la publication dans un registre de marques privé, qui généralement ne présente aucun intérêt.
L’envoi en masse de factures donnant aux entreprises l’impression qu’il existe déjà un rapport contractuel peut également avoir des suites fâcheuses. Là encore, quiconque règle le montant sans lire ce qui est écrit en petits caractères conclut un contrat à titre onéreux – contre son gré et sans même s’en rendre compte.
Invitation à signer un formulaire d’offre
Quant aux envois, par la poste ou par courrier électronique, de formulaires d’offre pour l’inscription dans un annuaire professionnel, ils ont un peu diminué ces derniers temps. Pour figurer dans l’annuaire, le destinataire est invité à vérifier l’adresse professionnelle de l’entreprise qui est pré-imprimée sur ces formulaires, à la corriger le cas échéant et à indiquer les prestations et produits qu’il propose. Le texte et la présentation du formulaire mêlent prestations payantes et gratuites, de sorte qu’un lecteur inattentif pense que l’offre est entièrement gratuite. Il signe alors, sans l’examiner, le formulaire qui s’avère être un contrat onéreux, reconduit tacitement chaque année.
Un espoir pour les entreprises concernées
De telles erreurs sont fâcheuses et peuvent coûter cher aux entreprises. Cependant, il existe des moyens de se défendre: quiconque a conclu un contrat à titre onéreux pour une inscription inutile dans un annuaire professionnel peut le contester en invoquant une «erreur essentielle» ou un «dol»[1]. La contestation entraîne l’invalidité du contrat[2], l’entreprise ayant alors la possibilité d’exiger la restitution des montants versés[3]. Une brochure du Secrétariat d’État à l’économie (Seco) explique comment agir contre les auteurs d’arnaques à l’annuaire (voir encadré).
Les personnes qui ont reçu des factures ou des formulaires non sollicités les invitant à s’inscrire dans un annuaire professionnel inutile peuvent en outre adresser une réclamation au Seco à l’aide d’un formulaire disponible en ligne. Il s’agit alors de décrire la pratique contestée le plus fidèlement possible et de joindre les moyens de preuve existants. Dès que le Seco a réuni suffisamment de réclamations, il dépose une plainte pénale à l’encontre de la société concernée auprès du Ministère public cantonal compétent[4].
Interventions judiciaires du Seco en 2023
En 2023, le Seco a porté plainte contre huit auteurs d’arnaques à l’annuaire, sur un total de onze plaintes. Les trois autres plaintes pénales déposées auprès des Ministères publics cantonaux concernaient des pratiques commerciales trompeuses dans le domaine des compléments alimentaires et des appels téléphoniques payants (vers des numéros surtaxés). Dans un cas, le prétexte fallacieux misait à dessein sur la confusion avec un quotidien connu.
Les statistiques montrent que les procédures lancées par le Seco produisent des résultats concrets, puisqu’elles ont conduit les Ministères publics et les tribunaux cantonaux à rendre quinze ordonnances pénales, jugements et décisions judiciaires en 2023. Le Seco s’occupe également des appels publicitaires non sollicités, ayant reçu 12 687 réclamations en 2023. 1028 autres réclamations ont été déposées pour des pratiques commerciales trompeuses et 501 contre des arnaques à l’annuaire. D’autres réclamations détaillées peuvent être consultées sur le site du Seco.
Proposition de citation: Barman, Philippe (2024). Commerçants: attention à l’arnaque à l’annuaire! La Vie économique, 14. mai.