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Des règles plus strictes exigées pour les banques d’importance systémique

Le rachat de Credit Suisse par UBS a évité à l’économie suisse de graves problèmes. L’enseignement à tirer de cette crise est qu’il faut des règles plus strictes pour les grandes banques.
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Les banques d’importance systémique doivent satisfaire à des exigences accrues en matière de fonds propres et de liquidités. La conseillère fédérale Karin Keller-Sutter lors de la conférence de presse consacrée au rapport du Conseil fédéral sur la réglementation «too big to fail». (Image: Keystone)

En mars 2023, Credit Suisse a sombré dans une crise menaçant son existence. Le risque de défaillance imminente de la banque a toutefois pu être écarté grâce à son acquisition par UBS, avec le soutien de l’État. En Suisse, le dispositif «too big to fail» («TBTF») a été mis en place afin de protéger l’économie suisse face à la faillite d’une banque d’importance systémique[1] telle que Credit Suisse. Il impose à ces banques de satisfaire à des exigences élevées en termes de fonds propres et de liquidités et d’établir un plan de stabilisation expliquant de quelle manière elles poursuivraient leur activité commerciale en cas de crise, sans intervention de l’État. En outre, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) définit pour chaque banque d’importance systémique un plan de résolution prévoyant les différentes modalités d’assainissement ou de liquidation.

Rapport sur la stabilité des banques

Près d’un an après le naufrage de Credit Suisse, le rapport sur la stabilité des banques établi par le Conseil fédéral montre que divers éléments réglementaires ont bien fonctionné. Sa dotation renforcée en fonds propres et en liquidités a permis à la banque de maintenir plus longtemps sa capacité de résistance, tandis que la Finma prévoyait la possibilité d’un assainissement de la banque dans son plan de résolution défini à l’avance. Le dispositif réglementaire en vigueur n’a toutefois pas empêché Credit Suisse de plonger dans une crise profonde. C’est la raison pour laquelle le rapport du Conseil fédéral propose un train de mesures visant à développer le dispositif TBTF. Dès qu’elles seront disponibles, les conclusions de la Commission d’enquête parlementaire (CEP) chargée d’examiner le rôle et l’action des autorités compétentes durant la crise, seront intégrées à ces mesures.

Le Conseil fédéral souhaite adapter le dispositif TBTF selon trois axes prioritaires. Il entend ainsi renforcer la prévention afin de réduire les risques qu’une banque se retrouve dans une situation critique, renforcer le dispositif de liquidités des banques afin de garantir leur approvisionnement pendant l’exploitation normale comme en cas de crise et, enfin, étoffer le dispositif de lutte contre les crises à la disposition des autorités afin que les banques d’importance systémique puissent sortir du marché de manière ordonnée en cas de crise.

Les mesures proposées doivent être instaurées de manière ciblée pour les banques d’importance systémique. La plupart d’entre elles portent spécifiquement sur UBS, la seule banque suisse d’importance systémique opérant au niveau mondial. Certaines mesures concernent d’autres banques et établissements financiers lorsqu’il ne semble pas opportun de restreindre leur application aux seules banques d’importance systémique.

Renforcer la prévention

Le premier axe d’intervention (la prévention) comprend l’instauration d’une bonne gouvernance d’entreprise et l’attribution claire des responsabilités au sein des banques. Une réglementation des rémunérations variables (délais de blocage et clauses de restitution, par exemple) doit également être instaurée. L’opportunité d’habiliter la Finma à prononcer des amendes à l’encontre des établissements contrevenant au droit de la surveillance est également à l’étude, tout comme un renforcement de ses possibilités et de ses obligations en matière d’intervention précoce.

Les exigences en matière de fonds propres sont un élément particulièrement important de la prévention. Même durant les mois où il a connu ses plus grandes difficultés, les indicateurs de fonds propres de Credit Suisse étaient constamment supérieurs aux exigences réglementaires. Or, ce n’est pas seulement la quantité de fonds propres globalement disponible qui est décisive, mais aussi leur rattachement au sein de la structure bancaire et leur capacité effective à combler des pertes. La maison mère de Credit Suisse ne disposait que de faibles fonds propres, car elle n’avait pas l’obligation de détenir suffisamment de fonds propres pour couvrir entièrement ses participations dans des filiales étrangères, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni.

Cette situation s’est avérée fatale au moment de la crise. La vente des participations étrangères, qui aurait été souhaitable et salvatrice en cas de crise, était de fait impossible car les pertes induites par une telle vente auraient considérablement diminué la dotation en fonds propres de la maison mère. La banque disposait donc d’une marge de manœuvre très réduite pour réorienter sa stratégie et se stabiliser.

Dans ce contexte, les exigences en matière de fonds propres doivent être renforcées de manière ciblée, en particulier pour les maisons mères de banques d’importance systémique présentes à l’international et possédant d’importantes filiales étrangères. Désormais, ces dispositions ne concernent plus qu’UBS en Suisse. Le relèvement de la couverture en capital de ses participations étrangères permet à la maison mère établie en Suisse de mieux absorber les risques encourus à l’étranger, un point particulièrement important pour la Suisse car les filiales étrangères d’UBS sont d’assez grande taille par rapport au marché domestique.

Les possibilités d’approvisionnement en liquidités de la Banque nationale suisse doivent elles aussi être fortement étendues. En outre, selon la proposition du Conseil fédéral soumise au Parlement en septembre 2023, un mécanisme public de garantie des liquidités («Public Liquidity Backstop», PLB) doit être inscrit dans le droit ordinaire.

Étoffer le dispositif de lutte contre les crises

Il ne peut jamais être totalement exclu qu’une banque fasse faillite, car la prise de certains risques est au cœur de l’activité bancaire. Il faut donc s’assurer que les banques d’importance systémique puissent elles aussi sortir du marché sans que l’économie n’en pâtisse. Les chances de succès d’une résolution sont d’autant plus grandes que les stratégies élaborées sont variées, que le mécanisme prévu est complet et que les obstacles ont bien été éliminés.

Le cas de Credit Suisse montre qu’il faut élargir l’éventail des options de résolution et préparer plusieurs stratégies de résolution en fonction de divers scénarios. Cela nécessite des adaptations juridiques: une sécurité juridique est nécessaire en cas d’assainissement d’une banque d’importance systémique dans le but de lui faire cesser son activité en quelques années; la situation est différente lors d’un assainissement visant à maintenir l’activité de la banque. Parallèlement à ces adaptations légales, les banques d’importance systémique doivent de leur côté établir un plan de sortie du marché et mettre en œuvre au préalable les mesures nécessaires.

Il est prévu de diviser le train de mesures en deux séries pour la mise en œuvre. La première série concernera les modifications d’ordonnances que le Conseil fédéral apportera, tandis que la deuxième série portera sur les éléments clés de modifications légales qui seront ensuite soumises au Parlement. L’agenda concret du Conseil fédéral dépend des résultats de la CEP.

  1. Soit actuellement: UBS, présente à l’international, ainsi que le groupe Raiffeisen, PostFinance et la Banque cantonale de Zurich, qui n’opèrent pas au niveau international. []

Proposition de citation: Imfeld, Vera; Schenker, Samuel (2024). Des règles plus strictes exigées pour les banques d’importance systémique. La Vie économique, 08. octobre.