Une forte proportion d’emplois à temps partiel est-elle un signe de richesse?
Éclairage de Daniel Kopp, École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ)
Les hommes aussi travaillent de plus en plus souvent à temps partiel, principalement pour se consacrer à leur famille et à leur foyer. (Image: Keystone)
Cette évolution s’explique tout d’abord par le rôle des femmes: elles exercent plus souvent une activité lucrative que par le passé, et ce généralement à temps partiel. Toutefois, comme le taux d’emploi en Suisse est déjà élevé, on peut se demander si le nombre de femmes arrivant sur le marché du travail augmentera encore significativement. Il est plus probable qu’à l’avenir, ce soit le temps de travail (partiel) des femmes qui augmente. En outre, le travail à temps partiel a aussi progressé chez les hommes, qui se consacrent désormais davantage à d’autres tâches, familiales et domestiques notamment. Si cette tendance se confirme, le taux d’emploi à temps partiel devrait continuer d’augmenter.
Cela tient surtout au fait que la Suisse affiche un taux d’activité élevé, en raison notamment de sa population féminine. Nombre de femmes exercent une activité lucrative parce qu’elles ont la possibilité d’occuper un emploi à temps partiel alors que, dans d’autres pays, il est plus fréquent que les femmes ne travaillent pas.
Au niveau mondial, on n’observe pas de corrélation nette entre le niveau de richesse et le travail à temps partiel.
Au niveau mondial, on n’observe pas de corrélation nette entre le niveau de richesse et le travail à temps partiel. Ainsi, les taux de travail à temps partiel sont élevés dans des pays pauvres comme le Ghana ou le Rwanda, alors qu’ils sont faibles dans des pays prospères comme Singapour ou les Émirats arabes unis. S’il est vrai que le lien est plus manifeste au niveau européen, ce n’est pas du tout parce que les pays plus riches peuvent davantage se permettre des emplois à temps partiel. En effet, bien souvent, un taux élevé de travail à temps partiel ne signifie pas que le volume de travail est, dans l’ensemble, moindre, mais seulement qu’il est réparti sur un plus grand nombre de personnes. C’est ce que montre l’évolution du temps de travail hebdomadaire par personne en âge de travailler, qui a légèrement augmenté en Suisse entre 2010 et 2022, malgré la progression de l’emploi à temps partiel, car le taux d’activité est allé croissant durant cette période.
Oui et non: si le nombre de personnes exerçant une activité lucrative reste constant et qu’une part croissante d’entre elles optent pour un temps partiel, cette pénurie s’accentuera. Mais, si l’emploi à temps partiel permet à davantage de personnes de participer au marché du travail, elle pourra au contraire diminuer. En Suisse, c’est plutôt ce dernier cas qui semble s’appliquer, à en juger par l’augmentation de la durée hebdomadaire du travail parmi les personnes âgées de 15 à 64 ans.
De telles incitations risqueraient d’engendrer une situation où les hommes travailleraient de nouveau davantage à temps plein et les femmes réduiraient leur taux d’activité.
En faisant peser une charge fiscale moins lourde sur le revenu supplémentaire, elle peut en effet inciter en particulier le conjoint qui génère le second salaire à augmenter son taux d’activité. La question est de savoir dans quelles proportions, car il est difficile de prédire jusqu’à quel point les ménages réagiront à cette incitation financière.
Les hommes qui postulent à des emplois à temps partiel essuient davantage de refus que les femmes, ce qui tient probablement au fait que ce choix professionnel va à l’encontre des rôles traditionnels de genre.
Propos recueillis par «La Vie économique»
- Kopp D. (2024). Do recruiters penalize men who prefer low hours? Evidence from online labor market data. Document de travail IZA, n° 16845. []
Proposition de citation: Éclairage de Daniel Kopp, École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) (2024). Une forte proportion d’emplois à temps partiel est-elle un signe de richesse? La Vie économique, 16. décembre.