2024, une année record pour l’hôtellerie suisse

Explorer les arcades de la vieille ville de Berne, flâner dans Locarno en dégustant une glace et, entre les deux, passer une journée à arpenter des sentiers de montagne: voilà des souvenirs qui promettent d’être inoubliables! Il n’est donc pas étonnant que de plus en plus de personnes passent leurs vacances en Suisse et que le pays atteigne un nouveau record en termes de nuitées. Selon les chiffres les plus récents de la Statistique de l’hébergement touristique (Hesta) publiée par l’Office fédéral de la statistique (OFS), la Suisse a enregistré près de 43 millions de nuitées en 2024, un record historique. Ce chiffre inclut les nuitées enregistrées par les 5000 hôtels et établissements de cure que compte la Suisse[1]. Le nombre d’hôtes suisses s’est maintenu à un niveau élevé, car depuis la crise du Covid-19, les touristes nationaux plébiscitent les destinations locales. En outre, l’effet de la pandémie sur le nombre d’hôtes étrangers a pu être compensé dans son intégralité, les chiffres de 2024 retrouvant pour la première fois le niveau de 2019 (voir illustration 1).

Près de la moitié des touristes sont suisses

Au cours des dernières décennies, la clientèle indigène a gagné en importance pour le tourisme suisse. Si, dans les années 1990, les touristes étrangers étaient encore majoritaires (57% des nuitées), la part des hôtes suisses n’a cessé d’augmenter depuis lors. Pendant la pandémie, les touristes indigènes ont été un soutien important, en particulier pour les régions alpines et le Tessin. En 2024, ils ont représenté près de 49% du total des nuitées, ce qui est légèrement inférieur à la moyenne de l’année 2023 dans l’Union européenne (UE) (53%).

Ill. 1: Nuitées mensuelles en Suisse: le retour des hôtes étrangers

GRAPHIQUE INTERACTIF

Au cours des dernières décennies, la composition de la clientèle étrangère s’est considérablement modifiée: si les Allemands constituent toujours le premier groupe d’hôtes étrangers en termes de fréquentation, le nombre total de leurs nuitées a toutefois nettement diminué depuis les années 1990, tout comme celui des touristes européens en général (voir illustration 2). Ce recul tient vraisemblablement à l’appréciation du franc, qui a considérablement renchéri les voyages en Suisse, notamment dans le sillage de la crise financière de 2008 et de la crise de l’euro qui a suivi. Les nouvelles habitudes de voyage ont également joué un rôle clé: alors que les vacances classiques dans les Alpes ont perdu en popularité auprès des touristes allemands, les voyages intercontinentaux sont devenus plus attractifs à leurs yeux en raison de la baisse des prix des billets d’avion et de la simplification des conditions de voyage (obtention facilitée de visas, possibilités de réservation par Internet, p. ex.).

L’essor des touristes asiatiques dans les années 2010

Dans les années 2010, le nombre de touristes en provenance d’Asie, en particulier de Chine et d’Inde, a augmenté de manière spectaculaire. En 2019, les clients asiatiques ont représenté 14% des nuitées enregistrées en Suisse. L’essor économique des pays asiatiques a conduit un nombre croissant de leurs ressortissants à entreprendre des voyages lointains en Europe. Cette tendance a été encore favorisée par la simplification des conditions d’obtention des visas, tandis que des films, des séries télévisées et des influenceurs populaires en Asie ont contribué à y faire connaître la Suisse en tant que destination touristique.

Ill. 2: Nuitées annuelles en Suisse: augmentation du nombre de visiteurs en provenance des États-Unis

GRAPHIQUE INTERACTIF

La pandémie a toutefois mis un coup d’arrêt à cette tendance: le nombre de nuitées imputées aux visiteurs asiatiques a chuté brutalement, passant d’environ 5,5 millions en 2019 à moins d’un million en 2020. La reprise après la pandémie a été lente en raison des restrictions de voyage qui ont été longuement maintenues dans certaines régions. Il a ainsi fallu attendre 2024 pour que les nuitées des touristes chinois retrouvent un niveau légèrement supérieur à la moitié du niveau atteint en 2019.

Les États-Unis, un marché en pleine croissance

L’Europe est une destination prisée des touristes américains qui incluent souvent dans leur circuit une étape en Suisse. Les Américains apprécient les villes helvétiques pour la qualité de leurs infrastructures et leur proximité avec des sites naturels exceptionnels. Depuis 2015, on constate une forte augmentation du nombre d’hôtes américains en Suisse, ce qui est certainement dû à la situation économique favorable aux États-Unis dans les années 2010 et à la force du dollar américain. Après une période d’interruption liée à la pandémie, la tendance à la hausse a repris à partir de 2022. Entre 2015 et 2024, la part des nuitées imputées aux hôtes américains est passée de 5% à 8% du total des nuitées et, en 2024, un nouveau record a été enregistré, avec près de 3,5 millions de nuitées.

L’évolution de la structure de la clientèle a entraîné un déplacement des nuitées vers les zones urbaines. Les clients non européens privilégient en effet les séjours en ville, profitant d’excursions à la journée pour découvrir les montagnes suisses, ce que permettent les distances relativement courtes en Suisse. Autrefois appréciés des Européens, touristes allemands en tête, les séjours de randonnée ou de ski de plusieurs semaines ont moins la cote aujourd’hui. Les hôtes européens optent désormais pour des séjours globalement plus courts, tandis que les clients asiatiques séjournent en Suisse plus longtemps qu’auparavant.

Le tourisme, un secteur économique important

Les chiffres des nuitées font partie des indicateurs utilisés par le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) pour l’observation régulière de la conjoncture. Publiées mensuellement, ces données fournissent des informations régulières et rapides sur la dynamique économique de l’hébergement et du tourisme en général. Le secteur de l’hôtellerie-restauration génère près de 2% du PIB helvétique et représente environ 3% de l’ensemble des emplois du pays.

L’importance économique du tourisme ne s’arrête toutefois pas là. Quand ils séjournent en Suisse, les touristes utilisent également des services de transport, assistent à des événements culturels et font des achats. À cela s’ajoute les services utilisés par les nombreux visiteurs journaliers nationaux ou étrangers. Si l’on tient compte de ces effets indirects, la contribution du tourisme au PIB s’élève à près de 3%. Malgré un recul au fil des décennies, ce secteur reste important pour l’économie nationale.

En outre, l’impact économique du tourisme varie fortement d’une région à l’autre: alors que dans le canton de Zoug, seulement 0,6% de la valeur ajoutée nominale est liée à ce secteur d’activité, ce chiffre grimpe à plus de 9% dans le canton des Grisons. Dans une perspective d’analyse conjoncturelle, les nuitées font partie des indicateurs « liés à la consommation » au sens large et fournissent des indications sur l’évolution de certaines catégories de dépenses de consommation des ménages privés.

Des tendances qui se confirment

Selon les dernières prévisions touristiques[2] d’octobre 2024, les principales tendances en matière de nuitées devraient se maintenir ces prochaines années. Le nombre de nuitées effectuées par des hôtes allemands devrait ralentir en raison de la situation conjoncturelle difficile dans le pays, tandis que la dynamique positive devrait se poursuivre du côté des touristes américains: bien que ceux-ci soient traditionnellement des touristes d’été, ils montrent un intérêt croissant pour le ski en Suisse. L’acquisition de domaines skiables suisses, tels que celui d’Andermatt-Sedrun, par des entreprises américaines et leur intégration dans des abonnements saisonniers américains favorisent cette évolution. Le nombre de touristes asiatiques devrait également progresser, sans toutefois retrouver son niveau de 2019, avant la pandémie, notamment en ce qui concerne la clientèle chinoise pour qui, outre les nouvelles habitudes de voyage, les capacités limitées en matière de délivrance de visas Schengen semblent être un frein.

1. Ne sont pas pris en compte les logements de vacances, les hébergements collectifs ni les campings. []
2. Les prévisions touristiques sont publiées semestriellement par BAK Economics sur mandat du Seco. []