L’investissement immobilier reste attractif. Mais pour combien de temps encore?
Éclairage de Roland Füss, Université de Saint-Gall

Les prix des immeubles d’habitation augmentent plus fortement que ceux des immeubles de bureaux. Une aire de jeux dans le lotissement Paradies à Wollishofen, dans le canton de Zurich. (Image: Keystone)
Les prix devraient continuer d’augmenter modérément au cours des prochaines années, même si des risques économiques et géopolitiques susceptibles de provoquer des contrecoups ne sont pas à exclure. Néanmoins, la Suisse s’en tire bien en comparaison européenne: l’économie croît, même en parité de pouvoir d’achat, la productivité est élevée et le franc reste stable.
Je ne le pense pas. Notre situation actuelle diffère de celle des années 1990, lorsqu’une bulle s’était formée pour trois raisons: une politique monétaire souple, l’octroi généreux de crédits de la part des banques et une forte demande des investisseurs étrangers. Actuellement, le marché est certes en surchauffe dans des villes comme Zurich ou Lausanne et dans quelques régions des Grisons, mais, pour l’essentiel, les prix de l’immobilier s’expliquent par la forte croissance démographique. En outre, la réglementation plus sévère des banques ces dernières années a plutôt eu tendance à freiner l’évolution des prix.
Les immeubles commerciaux, qui connaissent des taux de vacance moyens plus élevés que les logements, ont aussi des prix plus volatiles. Au cours des 12 derniers mois, les prix des immeubles de rendement ont certes augmenté, mais cette hausse est jusqu’à deux tiers moins importante que celle des logements à cause de certaines tendances de fond telles que le télétravail, le commerce en ligne, l’urbanisation et la pénurie de logements.
Construire revient trop cher actuellement.
L’essoufflement du télétravail a-t-il une influence sur les prix des immeubles de bureaux?
Il n’a qu’une influence limitée. La demande croît légèrement, ce qui stabilise les prix. De nombreuses entreprises misent cependant sur des modèles de travail hybrides, ce qui fait augmenter le besoin en espaces professionnels partagés. Et la durabilité gagne aussi en importance: le marché se divise de plus en plus en bâtiments efficaces du point de vue énergétique et en bâtiments plus anciens qui n’ont pas été rénovés. Tandis que les bureaux modernes en centre-ville sont convoités, la mise en location d’ouvrages plus anciens et moins bien placés est de plus en plus compliquée. Cela se traduit aussi dans les prix car les investisseurs sont prêts à payer plus chers pour des bâtiments durables. Cette tendance devrait se renforcer si les critères sociaux, qui reflètent la plus-value d’un bâtiment pour la collectivité et l’amélioration de la qualité de vie pour le voisinage, gagnent en importance.
Construire revient trop cher actuellement. Les coûts de financement et de construction ont fortement pogressé, en raison notamment de problèmes de chaînes d’approvisionnement et de la hausse des prix des matériaux comme le bois. Sans compter que des normes de construction strictes et des normes énergétiques élevées font encore augmenter les coûts. Pour toutes ces raisons, de nombreux projets de construction ne sont pas rentables. Il faudrait y réagir par une augmentation des loyers, mais celle-ci n’est souvent pas possible, en particulier dans les régions périphériques et rurales, où la demande est moins importante.
Bien que les taux pourraient encore légèrement baisser à court terme, je m’attends à un mouvement latéral des taux à moyen terme ou à un retour au taux directeur neutre de 1%, un niveau auquel l’économie n’est ni freinée ni relancée. Étant donné que les taux de financement à long terme s’alignent sur les rendements des marchés obligataires, une diminution du taux directeur à court terme par la Banque nationale suisse ne se traduira pas immédiatement par une baisse des coûts de financement sur le marché immobilier.
Propos recueillis par «La Vie économique»
Proposition de citation: Éclairage de Roland Füss, Université de Saint-Gall (2025). L’investissement immobilier reste attractif. Mais pour combien de temps encore? La Vie économique, 25 mars.