Les droits de douane assombrissent le moral des consommateurs
Lorsque les ménages ont une vision pessimiste de l’avenir, ils renoncent à faire des achats importants. Un robot ménager du fabricant américain KitchenAid, dans son carton d'emballage. (Image: Keystone)
Début avril, les États-Unis ont annoncé qu’ils allaient appliquer des droits de douane supplémentaires réciproques sur les importations, une mesure qui a déstabilisé l’économie mondiale. En Suisse, ces annonces se sont immédiatement reflétées dans les indicateurs de tendance, les entreprises évaluant leur situation commerciale, leurs carnets de commandes et les perspectives d’emploi de manière nettement plus pessimiste. Début mai, la presse s’est fait l’écho d’un climat des affaires particulièrement morose.
Publiée mensuellement par le Secrétariat d’État à l’économie (Seco), l’enquête sur le climat de consommation reflète elle aussi cette évolution: le climat de consommation est descendu nettement en dessous du niveau de 2024 et le sous-indice mesurant la situation économique générale à venir s’est même effondré (voir illustration 1).
L’enquête sur le climat de consommation comprend 14 questions portant sur divers aspects de l’évolution économique. Pour les raisons exposées ci-après, elle est d’une grande pertinence pour l’observation de la conjoncture. Premièrement, les dépenses de consommation représentent une part importante de l’activité économique globale: lorsque les ménages sont pessimistes face à l’avenir, ils ont tendance à limiter leurs dépenses importantes, ce qui peut freiner la croissance; Deuxièmement, les appréciations des consommatrices et consommateurs fournissent généralement des indications sur l’évolution de la conjoncture à moyen terme. Faisant partie des indicateurs présentant une forte corrélation avec la croissance du produit intérieur brut (PIB) à moyen terme, la situation économique générale à venir est donc prise en compte dans l’indicateur composite «climat conjoncturel suisse»[1].
Ill. 1: Dégradation du climat de consommation en avril 2025
GRAPHIQUE INTERACTIF
Source: Centre de recherches conjoncturelles de l’EPF Zurich / Secrétariat d’État à l’économie / UBS: Procure / La Vie économique
Une baisse historique avant un rétablissement
Par nature, les moyennes mensuelles ne peuvent pas reproduire directement les évolutions à court terme. En période d’incertitude, il est toutefois particulièrement intéressant pour l’analyse de la conjoncture de savoir si le climat de consommation a connu une baisse constante en avril ou s’il existe déjà des signes de reprise.
Contrairement aux enquêtes mensuelles classiques, le climat de consommation est évalué chaque semaine depuis le début de l’année 2023[2]. L’enquête repose sur un échantillon des personnes sondées suffisamment large pour que des conclusions fiables puissent être établies à une fréquence hebdomadaire[3]. Les données recueillies permettent d’évaluer l’évolution du climat économique de manière détaillée au fil du temps.
L’analyse montre que le climat de consommation et le sous-indice de la situation économique générale à venir ont atteint un plancher pendant la semaine 15 (du 7 au 13 avril 2025, voir illustration 2). Les reculs les plus marqués coïncident avec des décisions de politique douanière américaine. Ainsi, on constate une baisse du climat de confiance au cours de la semaine 6, c’est-à-dire après l’introduction des droits de douane sur les importations du Canada et du Mexique, et au cours de la semaine 14, soit après l’annonce de l’application de droits de douane réciproques. C’est aussi pendant la semaine 14 que le sous-indice de la situation économique générale à venir a atteint son niveau le plus bas depuis le début des relevés hebdomadaires, au début de 2023.
Ill. 2: Les données hebdomadaires du climat de consommation indiquent une reprise à partir de mi-avril 2025
GRAPHIQUE INTERACTIF
Une reprise après la suspension des droits de douane
Le 10 avril 2025 (semaine 15), les États-Unis ont annoncé la suspension partielle des hausses de droits de douane pour une période de 90 jours. Dès la semaine 16, on a constaté une amélioration sensible du climat de consommation en Suisse, que ce soit au niveau de la situation économique générale à venir ou dans l’index composite. Le climat de consommation s’est amélioré pour l’ensemble du mois de mai 2025. Les semaines et mois à venir nous diront si cette tendance positive se poursuit ou si de nouvelles tensions commerciales vont à nouveau assombrir le moral des consommatrices et consommateurs.
- Voir le site Internet du Secrétariat d’État à l’économie. []
- Voir aussi l’article de Kemeny F., Kyriacou L. et Widmer S. (2024). Nouvelle publication mensuelle du climat de consommation, La Vie économique, 11 mars. []
- D’autres informations d’ordre méthodologique sont disponibles dans l’onglet «Documents» de la page Internet du Seco consacrée au climat de consommation. []
Proposition de citation: Kemeny, Felicitas; Kyriacou, Lucas (2025). Les droits de douane assombrissent le moral des consommateurs. La Vie économique, 16 juin.
«Tendances conjoncturelles» été 2025
Situation de l’économie suisse – Au 1er trimestre 2025, l’économie suisse a enregistré une croissance nettement supérieure à la moyenne. Principalement soutenue par les services et la chimie-pharma, cette croissance a probablement aussi été favorisée par des effets d’anticipation liés à la politique douanière des États-Unis.
Prévisions conjoncturelles – Le Groupe d’experts de la Confédération pour les prévisions conjoncturelles a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour l’économie suisse. En 2025, le PIB corrigé des événements sportifs devrait progresser de 1,3%, puis de 1,2% en 2026. L’économie suisse connaîtrait ainsi une croissance nettement inférieure à la moyenne pour ces deux années. Ces prévisions reposent sur l’hypothèse que le conflit commercial international ne s’aggravera pas.
Scénarios – Compte tenu du climat d’incertitude qui règne actuellement, le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) complète les prévisions du groupe d’experts par la présentation de deux scénarios possibles.
Économie mondiale – Au 1er trimestre, la croissance de l’économie mondiale s’est affaiblie, avec de grandes disparités régionales. À l’échelle mondiale, l’inflation a été de plus en plus soulagée, dès février, par la baisse des prix du pétrole. Toutefois, une grande hétérogénéité persiste entre les zones monétaires en matière d’inflation et de politique monétaire. En avril, les marchés des actions ont connu de fortes fluctuations en raison de l’incertitude croissante. Le franc suisse s’est nettement apprécié.
Encadré: Les données hebdomadaires révèlent un climat de consommation en hausse
Après l’annonce de droits de douane supplémentaires par les États-Unis début avril, le climat de consommation s’est nettement assombri. Par la suite, il a été annoncé que ces mesures seraient suspendues, ce qui a entraîné une reprise tout aussi rapide à partir de la semaine 16.
Thème spécial: De quelle manière la démographie influence-t-elle l’offre de travail?
La part de la population en âge de travailler diminue, en Suisse, en raison de l’évolution démographique, phénomène qui accentue les goulets d’étranglement existants sur le marché du travail. Il devient donc de plus en plus important d’exploiter pleinement le potentiel de main-d’œuvre indigène. Ceci étant, le taux d’activité est déjà élevé en comparaison internationale et une augmentation supplémentaire se heurte à des limites.
