Guatemala: la jeunesse, source d’espoir

Une population jeune: environ un tiers des Guatémaltèques ont moins de 15 ans. (Image: Keystone)
En ce matin de juin 2025, à l’aéroport La Aurora de Guatemala City, des avions civils et militaires atterrissent sur fond de volcans majestueux. De nombreux migrants guatémaltèques expulsés des États-Unis descendent des appareils. Voilà plusieurs années déjà que ces rapatriements sont organisés.
Une conversation que j’ai eue récemment avec Ana, une habitante du secteur nord de la capitale, me vient à l’esprit. Des deux fils adultes (appelons-les Diego et Andrés) vivent illégalement en Californie et au Texas depuis déjà un certain temps, l’un d’eux y séjournant avec sa femme et leurs deux enfants en âge d’être scolarisés. Travaillant de manière informelle aux États-Unis, Diego et Andrés évitent les espaces publics par crainte d’être arrêtés et expulsés. Depuis la réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis fin 2024, ils transfèrent davantage d’argent à leur mère, craignant de perdre toutes leurs économies s’ils sont renvoyés au Guatemala. Selon Ana, ses deux fils n’envisagent pas de revenir au Guatemala en raison des revenus beaucoup plus élevés qu’ils perçoivent aux États-Unis et du taux plus faible de criminalité dans le pays.
Situation économique actuelle
Environ deux fois et demie plus grand que la Suisse, le Guatemala fait partie, depuis 2022, du groupe des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. Son système économique libéral repose sur un entreprenariat solidement ancré et le pays affiche depuis de nombreuses années une stabilité économique. En 2024, la croissance économique réelle s’est élevée à 3,7%, tandis que l’inflation a atteint 3,6%. La quote-part de l’État, soit le rapport des dépenses publiques au produit intérieur brut (PIB), est extraordinairement basse (13%, Suisse: 32%). L’activité d’investissement, dont un dixième seulement est réalisée par l’État, reste elle aussi très faible (17% du PIB). À titre de comparaison, le groupe des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure affiche en moyenne un taux d’investissement de 34%.
Le volume des échanges commerciaux se situe dans la moyenne (48% du PIB), tandis que la balance commerciale du Guatemala est fortement négative. Toutefois, la balance des transactions courantes est légèrement positive, ce qui tient en particulier aux importants transferts d’argent effectués par les Guatémaltèques installés à l’étranger (19% du PIB). Le Guatemala exporte principalement des produits agricoles et des textiles vers les pays d’Amérique centrale, les États-Unis et le Mexique, tandis que ses importations proviennent essentiellement des États-Unis et de la Chine.
D’importants défis démographiques
Quelque 18 millions de personnes vivaient au Guatemala en 2024. Bien que le pays connaisse une croissance démographique semblable à celle de la Suisse (1,5%), sa population est bien plus jeune: l’âge médian y est de 23 ans (20 ans de moins qu’en Suisse) et 32% des Guatémaltèques ont moins de 15 ans (contre 15% en Suisse). La moitié environ des habitants du pays sont des Mayas indigènes qui vivent pour la plupart dans les hauts plateaux de l’ouest. Une large majorité d’entre eux sont pauvres et subissent une forte discrimination à différents niveaux.
La jeunesse guatémaltèque pourrait se transformer en véritable atout économique: c’est ce que l’on appelle le «dividende démographique». Selon ce concept, l’entrée de tous ces jeunes sur le marché du travail pourrait accroître la part de la population active (personnes âgées de 15 à 64 ans) et ainsi stimuler la croissance économique. Pour que cela se produise, il faut toutefois que le taux de natalité baisse ou que la proportion de retraités et de jeunes économiquement dépendants diminue. Ces évolutions ont lieu au Guatemala depuis de nombreuses années déjà.
Des défis structurels entravent cependant l’exploitation de ce potentiel. Le pays affiche un taux de pauvreté très élevé qui limite l’accès de la population à l’éducation et aux soins. De plus, le pays affiche d’importantes inégalités de revenu et de fortune: le Guatemala présente un indice de Gini pour le revenu de 45, contre 34 en Suisse, ce qui freine la consommation et, partant, les investissements. Les infrastructures sont elles aussi lacunaires. Les investissements publics et privés sont insuffisants, en particulier dans les domaines de la formation et de la santé. Si le chômage officiel est faible au Guatemala, près de 75% des actifs travaillent dans le secteur informel, notamment en tant que cultivateurs ou au sein de micro-entreprises, ce qui ralentit la productivité économique, prive la main-d’œuvre de toute protection sociale et entrave l’augmentation des revenus.
Pour que le pays puisse faire face à ces problèmes structurels, des investissements ciblés sont nécessaires, notamment dans la formation, le système de santé, l’insertion sur le marché du travail ainsi que dans le domaine de l’égalité des droits pour les femmes et les ethnies. Si, par le passé, la croissance économique du pays n’a été que modérée, c’est en raison de la faiblesse persistante des investissements privés et publics. Cette situation, conjuguée à une guerre civile qui a duré de 1960 à 1996, ainsi que la perspective de revenus plus élevés à l’étranger, ont conduit chaque année quelque 35 000 personnes à émigrer illégalement aux États-Unis. Parmi ces migrants qui représentent environ 0,2% de la population, les Mayas sont surreprésentés. Mais depuis quelques années, les États-Unis expulsent de plus en plus de migrants guatémaltèques en situation irrégulière, si bien que l’émigration nette est tombée à moins de 10 000 personnes par an depuis 2022. En raison de cette évolution, le pays a encore plus de difficultés à tirer parti du potentiel que présente son dividende démographique car, souvent, les personnes rapatriées ne trouvent pas de travail ou, quand elles en trouvent, c’est seulement dans le secteur informel.
Dès sa première année au pouvoir, en 2024, le nouveau gouvernement de centre-gauche du président Bernardo Arévalo a légèrement augmenté les dépenses publiques, mettant en œuvre des mesures dans les secteurs de la formation, de la santé, de la sécurité et de l’administration (notamment pour lutter contre la corruption). Dans le domaine des infrastructures de transport, les mesures prises ont été moins importantes en raison des déficits hérités du passé.
De nombreux liens avec la Suisse
Attirés par le potentiel qu’y recelait l’agriculture, des Suissesses et des Suisses ont émigré au Guatemala au XIXe siècle et au début du XXe siècle. À la fin de l’année 2024, ils étaient plus de 1100 à vivre dans ce pays d’Amérique centrale avec qui la Suisse entretient des relations diplomatiques depuis 119 ans. Le pays a vu ensuite arriver des entreprises suisses opérant dans les domaines des matières premières, de la mécanique, des infrastructures, de la chimie, des produits pharmaceutiques et de l’industrie alimentaire, dont de grandes entreprises telles que Nestlé, Novartis, Roche et Sika, qui desservent le marché centre-américain depuis son territoire. La stabilité politique qui règne au Guatemala depuis la fin de la guerre civile en 1996, une économie libérale et stable ainsi que le revenu par habitant ont favorisé l’implantation de grandes entreprises suisses dans le pays.
Le volume des échanges commerciaux entre la Suisse et le Guatemala est très faible. Les exportations à destination de la Suisse comprennent principalement des produits agricoles comme le café. Créée il y a à peine dix ans au Guatemala, la première chambre de commerce bilatérale d’Amérique centrale compte actuellement près de 40 membres. Il serait important que le Guatemala adhère enfin à l’accord de libre-échange existant depuis 2014 entre l’Association Européenne de Libre-Échange (AELE) et les pays d’Amérique centrale que sont le Panama et le Costa Rica. En 2015, tous les pays ont approuvé cette adhésion, mais le Panama et le Costa Rica ne l’ont pas encore ratifiée.
Ce que la Suisse peut apprendre du Guatemala
L’exemple du Guatemala montre à quel point il est important d’analyser et d’aborder suffisamment tôt les défis structurels majeurs, notamment l’évolution démographique. La Suisse est elle aussi confrontée à ce type de problèmes, notamment à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Les conséquences d’une action non optimale de l’État apparaissent par ailleurs au Guatemala et si la conception du système économique est essentielle, les questions de répartition ne le sont pas moins.
Les changements politiques intervenus depuis l’entrée en fonction du nouveau gouvernement suscitent l’espoir de voir le Guatemala aborder les défis structurels auxquels il est confronté avec plus de détermination et tirer parti de son dividende démographique, ce qui lui permettra de générer une croissance économique bénéficiant à l’ensemble de la population.
Dans le ciel au-dessus de La Aurora, les vrombissements ont repris: en fin de matinée, les avions américains redécollent rapidement en direction du Nord.
Proposition de citation: Denzer, Roger (2025). Guatemala: la jeunesse, source d’espoir. La Vie économique, 14 août.
Vous avez envie de savoir ce qui caractérise tel ou tel pays et de connaître ses liens avec la Suisse? Des ambassadrices et des ambassadeurs de la Suisse à l’étranger vous présentent leur pays d’accueil.
Notre 2e saison est consacrée au thème de la démographie. Chaque mois, nous vous emmenons dans un nouveau pays, où la population est jeune, vieillissante ou âgée. Après avoir commencé par le Vietnam, puis nous être arrêtés au Nigeria, nous poursuivons avec le Guatemala, avant de terminer par l’Italie.

Population (croissance)a | 18,4 millions (+1,5%) |
Monnaie | Quetzal guatémaltèque (GTQ) |
PIB par habitantb
corrigé des effets du pouvoir d’achat: nominal: |
14 827 USD (CH: 94 937 USD) 6307 USD (CH: 104 523 USD) |
Croissance du PIBb | 3,7% (CH: 1,3%) |
Taux de chômage selon le modèle de l’OITa | 2,2% (CH: 4,1%) |
Investissements suisses directs au Guatemalac (2023) | 1,006 millions USD |
Investissements guatémaltèques directs en Suissec (2023) | 0 millions USD |
Exportations du Guatemala en pourcentage de toutes les importations de la Suissec (biens uniquement) | 0,02% (95e rang) |
Exportations de la Suisse en pourcentage de toutes les importations du Guatemalac (biens uniquement) | 0,14% (37e rang) |
Importations par la Suisse de marchandises en provenance du Guatemalad | Produits agricoles (87,6%), objets d’art et antiquités (8,0%), textiles, vêtements et chaussures (3,4%) |
Exportations suisses à destination du Guatemalad | Chimie et produits pharmaceutiques (33,2%), instruments de précision, montres et bijoux (24,4%), machines, appareils et produits électroniques (21,8%) |
Part de la populationa (2023) 0–14 ans 15–64 ans plus de 65 ans |
31,6% (CH: 15,0%) |
aBanque mondiale; bFMI, Perspectives de l’économie mondiale, avril 2025; CFMI; dOffice fédéral de la douane et de la sécurité des frontières. État: 10.07.2025