L’Italie, l’un des plus vieux pays du monde

En temps de crise, l’Italie ressemble à une Vespa circulant dans le dense trafic de Rome. (Image: Keystone)
Représenter la Suisse à l’étranger est un honneur et une grande responsabilité. Exercer ma fonction d’ambassadeur de la Suisse dans un pays voisin comme l’Italie revêt une importance particulière pour moi qui suis né et ai grandi au Tessin, à quelques kilomètres de la frontière.
Ce lien personnel fait écho aux profonds liens économiques, historiques, culturels et humains qui se sont tissés au fil des décennies entre la Suisse et l’Italie et ont créé une communauté de valeurs sur laquelle nous pouvons construire un avenir commun. La solidité des relations économiques entretenues par nos deux pays peut s’illustrer à l’aide de quelques chiffres[1]: l’Italie est le quatrième partenaire commercial de la Suisse. En 2024, cette dernière a exporté vers l’Italie des marchandises pour une valeur dépassant 24 milliards de francs, tandis que les importations suisses depuis l’Italie ont atteint quelque 26 milliards de francs. Fin 2023, les investissements directs de la Suisse en Italie s’élevaient à 26 milliards de francs, contre 3,7 milliards de francs investis par l’Italie en Suisse. Par ailleurs, environ 90 000 frontalières et frontaliers italiens traversent chaque jour la frontière pour aller travailler en Suisse.
Entre reprise et incertitude
Les relations entre la Suisse et l’Italie prennent une signification particulière dans un moment de transition économique mondiale et nationale. Depuis la fin de la pandémie, l’Italie a montré des signes encourageants de reprise économique. Ses exportations se sont révélées robustes malgré les incertitudes géopolitiques, atteignant un total de 623 milliards d’euros en 2024[2]. La gestion prudente des finances publiques a permis au pays de conserver la confiance des marchés et des agences de notation internationales: en avril 2025, l’agence de notation S&P a rehaussé la note de l’Italie de «BBB» à «BBB+», tandis qu’un mois plus tard, Moody’s relevait la perspective de la note italienne, la faisant passer de «stable» à «positive». Alors que le nouvel endettement annuel (déficit public) dépassait 7% du produit intérieur brut en 2023, la Première ministre Giorgia Meloni prévoit de le ramener à 3,3% du PIB en 2025. En 2026, il devrait même passer sous la barre des 3%, seuil maximal fixé par le pacte européen de stabilité et de croissance.
Toutefois, des incertitudes persistent face aux tensions commerciales internationales et au ralentissement de certaines économies partenaires. De plus, pour évaluer pleinement les perspectives à moyen terme du pays, il faut également considérer les limites structurelles qui freinent durablement le potentiel italien.
L’Italie présente différentes faiblesses structurelles qui ont un impact sur l’évolution de sa conjoncture. Ainsi, la croissance reste modeste (0,6% prévu en 2025), freinée par une faible demande intérieure, un coût de l’énergie parmi les plus élevés d’Europe, une production industrielle en déclin et une baisse des exportations liée aux récentes tensions internationales. Le talon d’Achille de l’Italie est sans doute sa faible productivité du travail qui stagne bien en deçà de la moyenne européenne, et ce depuis plus de vingt ans. Alors que l’Allemagne, la France voire l’Espagne ont réussi à augmenter leur productivité, la Péninsule peine à moderniser son appareil productif. Les raisons de ce retard sont multiples, allant de la prédominance de PME souvent peu capitalisées à une adoption partielle du numérique, en passant par un déficit chronique des investissements dans la recherche et le développement et des rigidités dans l’organisation du travail.
Bien qu’elle soit actuellement maîtrisée, l’inflation, qui s’est élevée à 1,1% en 2024 et devrait atteindre 1,7% en 2025[3], a affaibli le pouvoir d’achat, alimentant un climat d’incertitude parmi les ménages italiens. La dette publique, qui a dépassé 135% en 2024, réduit encore la marge de manœuvre de l’État. Enfin, et peut-être surtout, un facteur transversal aggrave l’ensemble de ces vulnérabilités: la démographie.
L’un des pays les plus vieux du monde
La question démographique représente l’un des défis les plus importants de l’Italie. Dans la continuité d’un modèle de croissance fragile, le vieillissement de la population italienne agit comme une lame de fond silencieuse mais implacable. L’âge moyen dépasse désormais 47 ans et près du quart de la population est âgée de plus de 65 ans. À l’autre bout de la pyramide des âges, la natalité est à son plus bas historique. Faisant partie des pays les plus vieux du monde, l’Italie a en outre perdu près de deux millions d’habitants au cours de la dernière décennie, en raison de la baisse de la natalité et du vieillissement de la population, et est donc confrontée à la diminution de sa population.
Le vieillissement de la population italienne a des répercussions profondes sur l’économie, le système de santé, le marché du travail et la productivité, sans oublier l’état d’esprit collectif: on prend moins de risque, les priorités se déplacent vers la gestion du présent, de l’immédiat. De surcroît, la situation démographique est aggravée par la fuite persistante des jeunes talents vers l’étranger. Chaque année, des dizaines de milliers de jeunes diplômés quittent le pays à la recherche d’opportunités professionnelles et de la reconnaissance qu’ils peinent à trouver sur place. Cette réalité démographique mine la capacité du pays à se projeter, à renouveler ses élites et à générer un socle social commun. Si aucune réponse structurée n’est apportée à ces tendances, c’est le système économique italien dans son intégralité qui sera menacé.
Des liens denses et des destins croisés
L’exode des cerveaux italiens trouve un débouché naturel en Suisse: des milliers d’Italiennes et d’Italiens qualifiés s’y sont installés, attirés par de meilleures conditions de travail. Si ce flux représente une perte pour l’Italie, il renforce aussi un lien humain ancien et dense entre les deux pays.
Mais les relations entre la Suisse et l’Italie vont bien au-delà. L’Italie est l’un des principaux partenaires commerciaux de la Suisse: les échanges de biens et services entre les deux pays dépassent le milliard de francs par semaine, dont près de 40% ont d’ailleurs lieu en zone frontalière. Les économies suisse et italienne sont complémentaires, notamment dans les secteurs de la pharmacie, de la chimie, de la mécanique de précision et des machines. La coopération s’intensifie par ailleurs dans des domaines stratégiques tels que l’énergie (interconnexions électriques et projets gaziers), les transports, la recherche (partenariats universitaires) et le tourisme, l’Italie restant une destination prisée des touristes suisses. Ces interdépendances confèrent à la relation bilatérale Suisse-Italie une profondeur stratégique précieuse dans un contexte international en mutation.
En temps de crise, l’Italie se déplace comme une Vespa dans la circulation à Rome: hésitante, elle zigzague un peu mais finit toujours par trouver un passage et atteindre sa destination. De la pandémie à la course pour diversifier ses sources d’énergie depuis que la guerre a éclaté en Ukraine, elle a fait preuve d’une remarquable capacité d’adaptation. La Suisse, qui a plutôt tendance à planifier chaque étape avec soin, pourrait s’inspirer de cette agilité typiquement italienne, qui permet de rebondir face à l’adversité.
- Voir Rapport économique Italie de l’Ambassade de Suisse à Rome. []
- Voir Rapport économique Italie de l’Ambassade de Suisse à Rome. []
- Voir Fonds monétaire international. []
Proposition de citation: Balzaretti, Roberto (2025). L’Italie, l’un des plus vieux pays du monde. La Vie économique, 22 septembre.
Vous avez envie de savoir ce qui caractérise tel ou tel pays et de connaître ses liens avec la Suisse? Des ambassadrices et des ambassadeurs de la Suisse à l’étranger vous présentent leur pays d’accueil.
Notre 2e saison est consacrée au thème de la démographie. Chaque mois, nous vous emmenons dans un nouveau pays, où la population est jeune, vieillissante ou âgée. Après avoir commencé par le Vietnam, puis nous être arrêtés au Nigeria et au Guatemala, nous terminons cette saison avec l’Italie.

Population (croissance)a | 59 millions (-0,01%) |
Monnaie | euro (EUR) |
PIB par habitantb (2024) corrigé des effets du pouvoir d’achat:nominal: |
61 165 USD (CH: 94 937 USD) |
Croissance du PIBb | 0,7% (CH: 1,3%) |
Taux de chômage selon le modèle de l’OITa | 6,8% (CH: 4,1%) |
Investissements directs de la Suisse en Italiec (2023) | 26 milliards de francs |
Investissements directs de l’Italie en Suissec (2022) | 3,7 milliards de francs |
Part des exportations suisses dans les importations de l’Italiec (biens uniquement, chiffres provisoires) | 2,8% (9e rang) |
Part des exportations italiennes dans les importations de la Suissec (biens uniquement, chiffres provisoires) | 8,2% (2e rang) |
Importations de marchandises suisses depuis l’Italiedd | Chimie et pharmacie (34,7%), métaux précieux (10,9%), sylviculture et pêche (9,4%), machines (9,0%) |
Exportations suisses vers l’Italied | Chimie et pharmacie (47,8%), métaux précieux (17,3%), énergie (9,0%), montres et bijoux (8,3%) |
Part de la populationa (2023) 0–14 ans 15–64 ans plus de 65 ans |
11,9% (CH: 15,0%) |
aBanque mondiale; bFMI(2025). World Economic Outlook, avril; cFMI; dOffice fédéral de la douane et de la sécurité des frontières / état: 26.08.2025