Que se passe-t-il sur les marchés financiers internationaux?
Éclairage de Marcel Fratzscher, Institut allemand de recherche économique (DIW, Berlin)
Malgré la faiblesse de l’économie, les marchés financiers sont en plein essor. Quand la bulle va-t-elle éclater? (Image: Keystone)
Les marchés financiers sont de plus en plus décorrélés de l’économie réelle. En dépit de la faiblesse de l’économie et de problèmes structurels, nous connaissons actuellement un boom, y compris en Europe. Cela tient à trois facteurs: premièrement, les banques centrales ont laissé entendre à plusieurs reprises qu’elles interviendraient pour éviter une forte correction des marchés. Les acteurs de ces derniers tablent donc sur cette politique monétaire expansionniste. Deuxièment, le vieillissement démographique entraîne un excédent d’épargne: la demande d’actifs dépasse l’offre, ce qui fait grimper les prix au-delà de niveaux qui seraient justifiés. Troisièmement, j’observe des valorisations excessives et des bulles qui pourraient éclater dans les prochains mois et décevoir les investisseurs.
Les raisons que j’ai mentionnées expliquent également l’envol du DAX. L’Allemagne est championne du monde de l’épargne: de nombreux ménages mettent de l’argent de côté et sont en quête de rendements attractifs. En parallèle, une poignée d’entreprises allemandes affichent des perspectives prometteuses. La valorisation élevée de ces sociétés pourrait être justifiée.
J’observe des valorisations excessives et des bulles qui pourraient éclater dans les prochains mois et décevoir les investisseurs.
Malgré sa dépréciation, le dollar n’est pas faible en termes absolus: il s’est plutôt stabilisé autour de sa juste valeur, c’est-à-dire le cours que les analystes jugent approprié sur la base des données économiques. L’évolution du dollar ne s’explique pas seulement par les baisses de taux attendues de la Réserve fédérale, mais également par les pressions exercées par le président américain en faveur de taux bas, qui pèsent sur la confiance.
Non, car il n’existe aucune alternative à l’échelle internationale. L’euro est trop fragmenté: les États membres de l’UE n’émettent pas d’obligations communes par exemple. En outre, les marchés de capitaux européens sont trop petits et pas assez liquides. De son côté, la Chine cherche certes à renforcer la position du renminbi au sein du commerce mondial et du système financier international, mais cette devise ne peut pas être échangée contre d’autres monnaies sans limites ni intervention de l’État. Enfin, des doutes subsistent quant à la fiabilité du gouvernement chinois, qui a modifié à plusieurs reprises son cap économique et monétaire.
Les monnaies numériques gagnent du terrain, tandis que les marchés financiers sont de plus en plus intégrés, se rapprochant les uns des autres, et que la concurrence s’intensifie. Je pense que les banques de l’ombre et les autres institutions financières peu réglementées vont se développer. Il est donc essentiel que les produits financiers soient mieux réglementés. Nous avons besoin d’une meilleure coordination internationale pour garantir une concurrence équitable et prévenir les crises.
Propos recueillis par «La Vie économique»
Proposition de citation: Éclairage de Marcel Fratzscher, Institut allemand de recherche économique (DIW, Berlin) (2025). Que se passe-t-il sur les marchés financiers internationaux? La Vie économique, 02 octobre.
