Les raisons du recul du PIB au troisième trimestre 2025
Au troisième trimestre 2025, les exportations de marchandises ont enregistré leur plus forte baisse depuis la pandémie. Le terminal à conteneurs, à Bâle-Kleinhüningen. (Image: Keystone)
Au troisième trimestre 2025, le produit intérieur brut (PIB) de la Suisse corrigé des événements sportifs a reculé de 0,5% par rapport au trimestre précédent[1]. Si, à première vue, cette baisse semble refléter une forte dégradation de la conjoncture, il faut rappeler qu’elle fait suite à la croissance supérieure à la moyenne enregistrée au premier trimestre 2025, qui avait alors positivement surpris dans un contexte de différend commercial. Le niveau du PIB reste ainsi, au troisième trimestre, supérieur de 0,8% à celui de l’année précédente.
Ill. 1: L’industrie chimique et pharmaceutique influence l’évolution du PIB
GRAPHIQUE INTERACTIF
Source: Seco / La Vie économique
Un examen plus poussé de la situation montre que le recul du PIB au troisième trimestre tient à plusieurs facteurs (voir illustration 1). Ce recul est avant tout imputable à l’industrie chimique et pharmaceutique: avec une baisse de près de 8% de la valeur ajoutée, ce secteur a subi le mouvement inverse prévisible après la forte croissance enregistrée au cours des mois précédents. Au premier trimestre, les exportations de produits chimiques et pharmaceutiques vers les États-Unis avaient connu une forte hausse, principalement en raison de la nouvelle politique douanière américaine, et le PIB avait augmenté en conséquence.
Outre les produits chimiques et pharmaceutiques, les exportations de marchandises en général ont accusé un recul marquant au troisième trimestre. Dans certains secteurs, ce sont les nouveaux droits de douane de 39% imposés par les États-Unis à partir du mois d’août qui en sont à l’origine (voir illustration 2). Néanmoins, ce recul doit également s’interpréter, au moins en partie, comme une compensation par rapport au trimestre précédent, lors duquel certaines entreprises, horlogères notamment, avaient partiellement anticipé leurs livraisons en prévision du relèvement des droits de douane. En tenant compte de l’important recul des ventes de produits chimiques et pharmaceutiques, la baisse des exportations de marchandises dans leur ensemble a été la plus forte enregistrée depuis la pandémie, ramenant celles-ci à leur niveau de l’année précédente. Toutefois, quand on exclut lesdits produits, le volume des autres exportations de marchandises influant sur la conjoncture est en hausse de 1,3% et reste donc bien supérieur à celui de l’année antérieure, malgré la baisse affichée au troisième trimestre.
Ill. 2: Volatilité des exportations de marchandises dans le sillage de la politique douanière américaine
GRAPHIQUE INTERACTIF
Dans les autres industries manufacturières, les chiffres d’affaires ont augmenté à partir de niveaux qui étaient bas, de sorte que la valeur ajoutée que celles-ci ont générée est restée stable au troisième trimestre, malgré un contexte international difficile. Les ventes ont baissé dans la métallurgie, l’horlogerie et certaines branches de l’électronique, tandis qu’elles ont progressé dans d’autres secteurs, tels que la construction de machines et de véhicules, ce qui a eu un effet compensatoire.
Au net recul de la valeur ajoutée dans l’industrie chimique et pharmaceutique est venu s’ajouter un affaiblissement marqué dans le secteur énergétique durant ce troisième trimestre. Des interruptions temporaires de l’activité de plusieurs centrales nucléaires ont entraîné une forte baisse de la production de courant en Suisse et, partant, un recul marqué de la valeur ajoutée dans le secteur de l’énergie. De telles variations étant régulièrement observées dans cette branche, elles n’ont guère de valeur indicative quant à l’évolution de la conjoncture, mais elles ont tout de même contribué à la contraction du PIB au troisième trimestre. La valeur ajoutée a également régressé dans le secteur de la construction, sur fond de baisse des chiffres d’affaires dans le bâtiment et le génie civil.
Une croissance ralentie dans le secteur des services
Au troisième trimestre, le secteur tertiaire a affiché une croissance inférieure à la moyenne. Le commerce, les services financiers et la communication, ainsi que la santé et l’action sociale, ont vu leur valeur ajoutée progresser. Le secteur du tourisme a pour sa part profité d’une augmentation du nombre de nuitées hôtelières, tant au niveau de la clientèle suisse qu’étrangère. En revanche, dans d’autres domaines, tels que les services aux entreprises ou l’administration publique, la valeur ajoutée a stagné, voire diminué.
Du côté de la demande, le recul du PIB se retrouve surtout dans le commerce extérieur, avec la baisse des exportations. Dans l’ensemble, la demande intérieure a progressé à un rythme inférieur à la moyenne. Les investissements dans la construction et les biens d’équipement ont marqué un léger recul, de l’ordre de -0,2% à -0,1%. La consommation privée (en hausse de 0,4%) a quant à elle continué de soutenir la conjoncture, favorisée en cela par la faiblesse persistante de l’inflation et la stabilité des revenus réels. Certes, le climat de consommation s’était dégradé en août, du fait de l’assombrissement des perspectives économiques, dû pour une bonne part aux différends commerciaux, mais les attentes des ménages interrogés concernant leur situation financière ainsi que leur propension à réaliser des acquisitions importantes sont restées plus stables au cours des derniers mois.
D’autres indicateurs avancés, dont l’indice des directeurs des achats et les données issues des enquêtes sur l’emploi, ne donnent pas non plus de signes d’une dynamique de crise à ce stade. Au vu des indicateurs disponibles à la fin novembre, on peut même s’attendre à une augmentation du PIB pour le quatrième trimestre. Par ailleurs, la solution négociée avec les États-Unis devrait apporter un soulagement significatif aux entreprises suisses concernées en améliorant la sécurité de planification et en facilitant ainsi les décisions d’investissement.
Globalement, le recul du PIB au troisième trimestre ne marque pas l’amorce d’une régression économique de grande ampleur. Néanmoins, l’environnement actuel reste difficile. En particulier au niveau européen, tout indique qu’il faudra se contenter d’une dynamique conjoncturelle modérée au cours des prochains trimestres. En outre, un certain désavantage concurrentiel persiste pour les entreprises suisses sur le marché états-unien, notamment en raison de l’appréciation du franc enregistrée depuis le début de l’année 2025. La perspective d’un abaissement des droits de douane américains ainsi que la stabilité de l’économie nationale sont porteuses d’impulsions positives. Ce sont là des facteurs qui peuvent contribuer à une croissance de l’économie suisse au moins modérée au cours des prochains trimestres.
- Cet article se fonde sur la section «Situation de l’économie suisse» du rapport «Tendances conjoncturelles» hiver 2025/2026 (voir encadré). []
Proposition de citation: Wegmüller, Philipp; Schmidt, Caroline (2025). Les raisons du recul du PIB au troisième trimestre 2025. La Vie économique, 18 décembre.
«Tendances conjoncturelles» Hiver 2025/2026
Situation de l’économie suisse – Au 3e trimestre 2025, le PIB corrigé des événements sportifs de la Suisse a diminué de 0,5 %. Ce trimestre négatif doit être interprété à la lumière de la forte volatilité des données observée tout au long de l’année. Les augmentations marquées des exportations de produits chimiques et pharmaceutiques ont été suivies d’un mouvement inverse équivalent.
Prévisions conjoncturelles – Le groupe d’experts de la Confédération revoit légèrement à la hausse sa prévision de croissance économique pour 2026 (1,1 %). Avec l’annonce de la baisse des droits de douane aux États-Unis, les perspectives se sont éclaircies pour les secteurs concernés. Malgré une certaine accalmie, l’incertitude liée à la politique économique et commerciale internationale et à ses conséquences macroéconomiques reste grande.
Économie mondiale – Au 3e trimestre 2025, l’économie mondiale a connu une croissance légèrement supérieure aux prévisions. Les principaux indicateurs offrent une image un peu plus optimiste de la conjoncture mondiale dans son ensemble. L’inflation semble se consolider à des niveaux supérieurs à la moyenne en de nombreux pays.
