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Secret bancaire et paradis fiscaux

Une économie mondiale en crise, la faillite latente des États et les batailles électorales agressent le modèle performant de la Suisse, avec pour conséquence que notre pays a été placé sur la liste grise de l’OCDE. Les États européens retiennent les deux tiers du revenu de leurs citoyens et attaquent notre souveraineté au lieu de reconnaître la responsabilité de leurs propres places financières, ce qui est d’autant plus déloyal lorsqu’on sait les milliards étrangers, exonérés d’impôts, qui stagnent chez eux. Comme dans l’affaire des fonds en déshérence, nous sommes mal préparés à ce jeu de pouvoirs et, dès lors, nous nous retrouvons exposés au chantage. En effet, nos institutions sont mal outillées pour faire face à la complexité des conflits qui caractérise la mondialisation.

Les politiciens du monde entier n’ont plus aucun scrupule; après la folie des grandeurs des banquiers, ils leur emboîtent le pas en secourant les élites financières en déroute et en se surpassant par des étatisations et de gigantesques actions de sauvetage. Ils utilisent leur nouveau pouvoir sans aucun ménagement. Pour rembourser leurs nouvelles montagnes de dettes, qui se chiffrent en milliards, ils contournent les droits, les libertés et la propriété. L’État devient receleur lorsque ses services de renseignement achètent du matériel volé pour obtenir des données fiscales suspectes. Seule une concurrence fiscale fonctionnelle peut limiter les interventions exagérées dans la fiscalité, protéger la propriété et favoriser les investissements et la prospérité. La Suisse doit continuer à défendre les droits fondamentaux de la sphère privée. Elle doit demeurer un rempart contre les convoitises démesurées des gouvernements et rester le garant d’un État svelte, un avantage indispensable pour sa place économique. La moralité fiscale doit inclure le respect des bases libérales. Quiconque prône un droit du fisc totalitaire provoque la fuite. Pour empêcher cela, il faut améliorer les systèmes fiscaux. La Suisse coopère et s’en tient aux conventions internationales, alors que l’UE tolère les paradis fiscaux et les subterfuges légaux dans ses rangs. Le système des holdings et les refuges pour le blanchiment à court terme mettent en évidence la double morale du G20. Celui-ci ne devrait pas se contenter d’apaiser la crise économique mondiale, il devrait aussi traiter des limites de l’intervention de l’État dans le revenu et la fortune de la population.

Que faire?


La directive de l’UE sur la fiscalité des revenus de l’épargne de 2003 indique que le Luxembourg, l’Autriche et la Belgique pourront être tenus à l’échange automatique d’informations dès que la Suisse et les principautés le pratiqueront sur demande et répon-dront aux normes de l’OCDE. La Suisse et le Conseil fédéral y ont trouvé une justification à leur action anticipée. Alors que les États-Unis nous ont déjà soumis à leur chantage, la démocratie directe nous laisse du temps pour répondre aux agressions rhétoriques de l’UE et expliquer fermement, au moyen d’arguments convaincants, la position souveraine de la Suisse lors des négociations. Quelles que soient les listes discriminatoires, il faut exiger des contreparties, obtenir que notre place financière se batte à armes égales au plan international et viser à sa compétitivité. Controns avec vigueur les États moralisateurs et leurs propres paradis fiscaux. La place financière doit faire preuve de modestie, d’éthique et de morale pour reprendre sa position traditionnelle de leader, malgré le contexte difficile et les réglements. Elle doit surmonter la crise de confiance, renforcer son économie et l’alimenter en capitaux et en crédits pour éviter toute pénurie. D’ici la fin de l’année, les augmentations de capital, les renouvellements de crédits et les transactions financières s’élèveront à 10 milliards de francs. La banque nationale octroie un crédit stabilisateur d’un milliard au FMI, afin de soutenir notre économie d’exportation et notre position internationale. Elle doit aussi acheter des obligations de débiteurs privés, afin de diminuer les risques liés au crédit et au terme et d’abaisser les coûts de refinancement des entreprises.

Sauver les exportations


Les aspects économiques, financiers et intellectuels de la Suisse sont indissociables. L’industrie se débat sur les marchés mondiaux dans des conditions dramatiques pour maintenir sa capacité traditionnelle d’exportation: elle favorise ainsi la prospérité et crée les emplois de demain. Les mesures de rétorsion et les frictions avec l’étranger – comme les boycotts et la course aux subventions – sont dangereuses au regard du nationalisme et du protectionnisme rampants. De nouvelles persécutions du G20 ne feraient qu’aggraver les problèmes. Il faut à tout prix éviter de ternir notre image et que nos exportations industrielles en pâtissent. Les relations multilatérales doivent redevenir normales et se dérouler dans le respect, l’honnêteté et la dignité. Il faut rappeler avec conviction que le petit État neutre et crédible qu’est la Suisse participe à la communauté internationale et la sert de façon non négligeable; elle est donc un partenaire précieux et entend le rester.

Proposition de citation: Johann N. Schneider-Ammann (2009). Secret bancaire et paradis fiscaux. La Vie économique, 01 juin.