Rechercher

Le prestataire privé a besoin d’une vraie concurrence

Avec la mondialisation, les défis augmentent massivement dans le domaine de la logistique. Les habitudes et besoins des consommateurs changent en permanence, d’où une réduction draconienne des délais de stockage et la nécessité de livraisons garanties «just in time». Pour faire face à cette évolution, le prestataire de services postaux doit savoir anticiper, en améliorant continuellement ses performances. Pour réussir, il a besoin d’un marché entièrement libéralisé.

Les monopoles résistent temporairement au changement et créent ainsi des zones protégées rétrogrades. Ils freinent l’envie de suivre l’évolution du marché et empêchent les entreprises, y compris le monopoliste lui-même, de fournir le meilleur service possible. Si, de surcroît, des prestations non monopolistiques sont en partie financées par les fortes marges que permettent les services réservés, la concurrence devient déloyale.

Pour la suppression complète du monopole postal


L’objectif principal de la libéralisation est donc la suppression totale du monopole postal en Suisse, accompagnée de la garantie d’un service public sur tout le territoire suffisamment performant et à des prix raisonnables. En Suisse, deux autorités observent le comportement des acteurs sur le marché: le régulateur postal et le Surveillant des prix. Il ne faut pas non plus craindre pour l’emploi. Les postes de travail perdus chez un prestataire en déclin sont compensés par d’autres qui se créent chez des concurrents aux performances supérieures; ceci a l’avantage de stabiliser l’embauche, car elle répond aux besoins du marché. Comme les conditions de travail satisfont partout aux mêmes standards, définis par l’autorité de régulation dans le cadre du processus de concessionnement, la libéralisation ne génère aucun problème social. Dans ce domaine, DPD (Suisse) SA a joué un rôle de précurseur en signant une convention collective de travail avec les syndicats de la communication et transfair en 2004. La garantie d’un service public performant à des prix raisonnables et celle de conditions de travail standard pour toute la branche constituent des mesures politiquement et socialement suffisantes pour la libéralisation totale du marché postal, tandis que des emplois maintenus artificiellement contre le marché grâce au monopole coûtent plus qu’ils ne rapportent. Financés, d’une part, par l’impôt et, d’autre part, par des prix nettement surfaits, ils hypothèquent l’économie nationale et lèsent les clients, plus particulièrement les PME.

Une infrastructure coûteuse à utiliser en commun


La question de la rentabilité des investissements se pose pour les nouveaux secteurs exigeant des réseaux de distribution très denses, comme dans le domaine «business to customer». Dans le secteur des lettres, par exemple, la Poste dispose d’un réseau financé depuis des décennies par les contribuables et les clients. Les prestataires privés devraient-ils à leur tour mettre sur pied leur propre infrastructure? La réflexion sur l’allocation des ressources, ne nous amène-t-elle pas plutôt à détacher le réseau existant de la Poste Suisse, pour le mettre à la disposition de tous les prestataires? Sa gestion serait confiée au régulateur, qui garantirait l’égalité des conditions d’accès. Cette «externalisation» et la mise à disposition systématique des structures lourdes évite de multiplier les infrastructures, ce qui serait onéreux aussi bien pour les entreprises que pour les clients. Ces considérations peuvent sembler audacieuses, mais il faudra en tenir compte. À une époque où les ressources se raréfient, où la protection de l’environnement gagne en efficacité et où la consommation d’énergie est appelée à se réduire, nous ne pouvons plus nous permettre d’investir massivement dans des infrastructures lourdes parallèles. Agissons par étapes, en mettant à la disposition de tous, au prix de revient, les cases postales de la Poste Suisse. Tout ce qui dépasserait le prix de revient fausserait la concurrence. Dans ce cas précis, en effet, les concessionnaires privés ne sauraient être considérés comme des clients de l’ancien monopoliste, qui ne fait rien d’autre que de mettre à leur disposition une infrastructure dont l’ensemble de la population lui avait confié l’utilisation. Il est vrai qu’en matière de libéralisation, nous sommes encore bien loin derrière l’Union européenne. Cependant, l’évolution politique en Suisse va dans la bonne direction pour les prestataires privés, les clients ainsi que les employés.

Proposition de citation: Georges Champoud (2007). Le prestataire privé a besoin d’une vraie concurrence. La Vie économique, 01 mai.