L’Europe doit-elle réintroduire un impôt sur la fortune?
Éclairage d'Isabel Martinez, Centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ)
Le débat sur l’impôt sur la fortune a été relancé en France. (Image: Keystone)
La France a remplacé l’impôt sur la fortune par un impôt sur le patrimoine immobilier. Cette mesure devait stimuler les investissements et faire revenir les exilés fiscaux. Mais, à ce jour, rien ne prouve que cette réforme, qui a entraîné une perte de recettes estimée à 4,5 milliards d’euros par an, a été efficace.
L’impôt sur la fortune rapportait généralement moins de 1% des recettes publiques, en raison notamment des exemptions et des failles du système. En revanche, la charge administrative qu’il représentait était jugée très élevée. Dans certains cas, les tribunaux percevaient cet impôt, car des évaluations divergentes, par exemple entre les biens immobiliers et les actifs financiers, contribuaient à une inégalité de traitement fiscal.
En Suisse, l’assiette fiscale est très large et exempte de dérogation, tandis que les taux sont bas. L’impôt sur la fortune représente 4% des recettes de l’État. La sous-estimation fiscale des immeubles est une volonté politique visant à encourager l’accession à la propriété.
Partout dans le monde, la question de l’inégalité de la fortune est au cœur des préoccupations politiques
Partout dans le monde, la question de l’inégalité de la fortune est au cœur des préoccupations politiques, car elle s’est accentuée et dépasse désormais l’inégalité des revenus. Aux États-Unis, mais aussi dans d’autres pays, l’influence des super-riches sur la politique et les médias est manifeste, ce qui n’est pas sans poser des problèmes dans un système démocratique. Toutefois, certains pays européens imposaient déjà la fortune il y a encore une vingtaine d’années et la question d’introduire ou de réintroduire l’impôt sur la fortune est débattue actuellement en Allemagne et en Autriche, tandis que l’Italie envisage d’étendre l’impôt sur les immeubles à l’ensemble de la fortune nette. La Commission européenne a commandé un rapport complet examinant tous les types d’impôt sur la fortune et les revenus qui en découlent. De son côté, le Parlement européen étudie les options qui permettraient d’accroître la coordination entre les États membres en matière d’imposition de la fortune et des successions.
Effectivement.
Oui, car l’impôt sur la fortune permet d’éviter que la progression de l’impôt sur le revenu ne soit rompue. Les personnes aisées peuvent assez facilement structurer leurs revenus de manière à être moins ou pas du tout imposées, par exemple en bénéficiant de l’imposition avantageuse des dividendes ou en fondant une société holding. L’impôt sur la fortune a un effet compensatoire: il fait en sorte que la charge fiscale des riches ne soit pas inférieure à celle de la classe moyenne.
Propos recueillis par «La Vie économique»
Proposition de citation: Éclairage d'Isabel Martinez, Centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) (2025). L’Europe doit-elle réintroduire un impôt sur la fortune? La Vie économique, 17 décembre.
