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« Le taux de chômage repassera au-dessous des 3 % »

Le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) précise actuellement les contours de la « préférence indigène light ». Le responsable de la Direction du travail, Boris Zürcher, explique la portée de la réponse parlementaire à l’adoption de l’initiative contre l’immigration de masse. Il s’étend également sur les raisons qui contiennent le chômage dans ses limites actuelles.

« Le taux de chômage repassera au-dessous des 3 % »

« En Suisse, c’est une conviction profonde. Il faut apprendre pour avancer professionnellement. » Boris Zürcher dans son bureau au Secrétariat d'État à l'économie (Seco).

Monsieur Zürcher, vous travaillez actuellement sur l’ordonnance d’application de l’initiative contre l’immigration de masse. Que reste-t-il à faire ?


Il faut, par exemple, encore fixer le mécanisme par lequel devra se déclencher l’obligation d’annoncer les places vacantes (N.D.L.R : lorsqu’une région, un groupe de profession ou une activité présente un taux de chômage supérieur à la moyenne, les entreprises auront l’obligation d’annoncer leurs places vacantes en premier lieu aux offices régionaux de placement [ORP].) Il est prévu de clarifier les dispositions d’exécution dans l’ordonnance relative à la loi sur le service de l’emploi et la location de services.

Il s’agit donc de déterminer à partir de quel taux de chômage et dans quelle région le mécanisme s’applique ?


Exactement. Il faut identifier les régions économiques, les groupes de profession et les champs d’activité pour lesquels l’obligation d’annoncer les places vacantes doit être instaurée. Nous allons examiner les critères de déclenchement du mécanisme dans le cadre d’un groupe de travail s’étendant aux cantons et aux partenaires sociaux. Il faudra également déterminer qui aura accès aux informations relatives aux emplois vacants et comment cela se déroulera concrètement.

Sommes-nous en train de créer un monstre bureaucratique en instaurant une version allégée de la préférence aux travailleurs indigènes ?


Non. Nous visons surtout l’efficacité. Il s’agit d’améliorer les chances des demandeurs d’emploi. La charge de travail pour les employeurs et les ORP doit rester la plus limitée possible. Par chance, les travaux ne partent pas de zéro.

Qu’entendez-vous par là ?


L’année passée, un groupe de travail créé par la Commission de surveillance de l’assurance-chômage s’est penché sur l’obligation d’annoncer les places vacantes et de donner la préférence aux travailleurs en Suisse. En outre, le projet d’assurance-chômage « numérique » (cyber-AC), qui a déjà été lancé, va dans la même direction.

Le lancement de la cyber-AC signifie-t-il que la cyberadministration concerne dorénavant l’assurance-chômage ?


Oui. Nous souhaitons l’étendre aux employeurs et aux assurés. Il y a deux aspects à prendre en compte par rapport à l’obligation d’annoncer : la mise en œuvre formelle dans l’ordonnance et la mise en œuvre pratique dans les ORP. Ce second aspect concerne les processus à définir. Pour ce faire, les efforts déjà réalisés en vue de développer un soutien numérique d’avenir aux services de placement nous sont d’une grande aide.

Comment peut-on garantir que les entreprises annoncent leurs places vacantes aux ORP ?


L’obligation d’annoncer les emplois vacants est prévue dans la loi. En cas de non-respect de ce devoir, on peut aller jusqu’à prononcer une sanction. Si la pratique devait montrer que le dispositif est insuffisant, la loi prévoit que le Conseil fédéral peut prendre des mesures supplémentaires.

Est-il prévu de mener une consultation sur les dispositions d’exécution de cette obligation ?


Étant donné que la portée politique de ce projet est importante, une large consultation est prévue. Nous partons du principe que l’ordonnance pourra entrer en vigueur au début de l’année prochaine.

Quand peut-on s’attendre à ce que l’obligation d’annoncer soit mise en œuvre ?


Aussitôt que le Conseil fédéral aura donné son feu vert. Cependant, il ne faut pas seulement disposer de l’article d’ordonnance. Il convient d’adapter, parallèlement, les processus et préparer les instruments tels que la cyber-AC.

Qu’en est-il des frontaliers ? Une réglementation les concernant est-elle nécessaire dans l’ordonnance ?


Le groupe de travail abordera également la question. La solution actuelle permet aussi aux frontaliers de s’inscrire auprès du service public de l’emploi de l’État où ils ont exercé leur dernière activité.

La Commission de l’UE souhaite que les pays dans lesquels les frontaliers au chômage ont travaillé versent à ces derniers la totalité des indemnités de chômage. Qu’est-ce que cela impliquerait pour la Suisse ?


La proposition faite par la Commission doit encore passer par les différents organes de l’UE. La Suisse n’est pas le moins du monde tenue d’adopter cette réglementation. Si l’UE modifie quoi que ce soit, nous ne devons pas automatiquement nous y astreindre. En revanche, nous pouvons amorcer de nouvelles négociations.

La Suisse profite-t-elle de la solution actuelle ?


Aujourd’hui, les coûts sont répartis entre la Suisse et les pays membres de l’UE concernés. De notre point de vue, cette réglementation est équitable.

Combien de temps les demandeurs d’emploi inscrits auprès des ORP restent-ils au chômage en moyenne ?


Actuellement, les demandeurs d’emploi inscrits auprès des ORP restent en moyenne six à sept mois au chômage. De nombreux chômeurs, surtout les jeunes, trouvent, cependant, du travail plus rapidement.

Avec une moyenne de 3,3 %, le taux de chômage de l’année passée a atteint son plus haut niveau depuis six ans. Comment le marché du travail résiste-t-il concrètement ?


Considérant les nombreux chocs subis par le marché du travail depuis 2008, date à laquelle a débuté la crise économique, ce taux est relativement bas. La crise du marché financier en 2009, le premier choc du franc fort en 2010 et la levée du taux plancher début 2015 ont soumis le marché du travail à une pression constante, l’obligeant à s’adapter. Les branches exportatrices ont été particulièrement frappées par la situation et ont dû y faire face. Avec 3,3 %, le taux de chômage a donc légèrement augmenté par rapport à la moyenne de 3,2 % que nous avons connue pendant de nombreuses années.

Pourquoi n’y a-t-il pas plus de chômeurs ?


Notre marché du travail est très flexible et perméable. De fait, il est aussi très résistant : chaque année, environ 11 % des personnes actives changent de poste ou de fonction dans leur entreprise. À cela s’ajoutent les entrées sur le marché du travail et l’immigration, qui représentent à elles deux 9 % de la population active. Le marché du travail est donc en mouvement constant. Cela vaut aussi pour l’assurance-chômage : si l’on fait la moyenne annuelle, près de 150 000 personnes sans emploi étaient inscrites auprès des ORP chaque mois. Or, globalement, plus du double auront effectivement perçu des indemnités journalières durant un certain temps. Ce ne sont donc pas toujours les mêmes personnes qui se retrouvent au chômage.

Tout cela semble très positif. Les mutations structurelles suivent, toutefois, leur cours. Par exemple, la reconversion d’un employé du domaine industriel dans un métier de la santé n’est pas une mince affaire.


Bien évidemment. Le taux de chômage reflète les frottements que provoquent les mutations structurelles. Faisant face à des défis supplémentaires tels que le franc fort, les adaptations sont un peu moins fluides qu’il y a dix ans. Je suis, cependant, convaincu que le taux de chômage repassera au-dessous des 3 % dans quelques années.

La formation est également essentielle pour que le marché du travail continue de résister. Pourquoi ?


Les gens bien formés sont plus polyvalents. Ils trouvent plus facilement leur voie malgré la complexité croissante du marché du travail. Il n’existe probablement aucun pays dont la population active est aussi bien formée qu’en Suisse. C’est une conviction profonde chez nous : il faut apprendre pour avancer professionnellement. Après l’apprentissage ou les études, nous nous formons encore à titre privé. Certains vont par exemple prendre des cours de comptabilité de leur propre initiative. Cette conception méritocratique a un effet positif. S’ajoute à cela la flexibilité géographique. En effet, les gens sont enclins à se déplacer là où il y a du travail.

Comment l’assurance-chômage contribue-t-elle à plus de flexibilité ?


Si l’AC ne garantissait pas le minimum vital, la personne assurée serait contrainte d’accepter le premier emploi convenable qui lui est proposé, quand bien même celui-ci ne correspondrait pas vraiment à ses compétences. L’AC contribue donc à améliorer cette concordance sur le marché du travail. Au final, cela profite à tous. C’est essentiel, surtout dans un marché du travail dont les prestations sont élevées et qui est dominé par un haut niveau de spécialisation. Ce n’est pas pour rien que nos salaires comptent parmi les plus élevés au monde. Je ne fais pas référence ici aux plus gros revenus ; je parle en termes de moyenne.

L’immigration nette a baissé. Est-ce que la Suisse est devenue moins attrayante ?


L’immigration en provenance de l’UE et de l’AELE est influencée par la demande. En d’autres termes, les personnes issues des pays membres de l’UE et de l’AELE réagissent à la demande de main-d’œuvre des entreprises en Suisse. En raison de la conjoncture, l’immigration dans les domaines de la construction, de l’hôtellerie-restauration et de la location de services a fortement diminué l’année passée. En revanche, dans les branches de la santé ou des services informatiques, qui connaissent une croissance structurelle, elle ne s’est que légèrement réduite. On peut donc en conclure que ce taux de chômage relativement élevé n’est pas le résultat de l’immigration, car cette dernière fluctue en fonction de la demande de main-d’œuvre en Suisse. Il ne faut pas non plus négliger le fait qu’aujourd’hui, en raison de l’évolution démographique, nous devons combler le manque de personnel avec de la main-d’œuvre étrangère.

Proposition de citation: Nicole Tesar (2017). « Le taux de chômage repassera au-dessous des 3 % ». La Vie économique, 23 mars.

L'invité

Boris Zürcher, 53 ans, préside depuis 2013 aux destinées de la Direction du travail, au Secrétariat d’État à l’économie (Seco). Il a étudié l’économie et la sociologie à Berne. Il est marié et père de deux enfants.