Quelles sont les professions menacées par l’intelligence artificielle?
Éclairage de Marco Salvi, Avenir Suisse
Un employé d’un centre d’appel: l’intelligence artificielle pourrait bientôt rendre ce métier superflu. (Image: Keystone)
Contrairement aux technologies classiques, qui pouvaient seulement analyser des données existantes, les applications de l’IA dite générative, comme ChatGPT, peuvent créer des données sous forme de textes, d’images ou de musique.
L’IA est très utilisée par exemple pour répondre à des questions simples des clients ( agents conversationnels), mais aussi pour effectuer des traductions ou des travaux de recherche. Actuellement, presque toutes les branches explorent assidûment ses nouvelles possibilités d’applications .
Oui, les investissements sont en forte progression: en 2022, les entreprises suisses ont dépensé un total de 34 milliards dans ces domaines, soit un tiers environ de leurs investissements en biens d’équipement. C’est plus que durant la bulle Internet des années 1990.
Nous estimons que 80% des employés de bureau pourraient se retrouver en concurrence directe avec l’IA.
Nos études de cas[1] montrent que le recours à l’IA permettra des gains de productivité considérables dans certains domaines précis, comme le service à la clientèle ou le conseil aux entreprises, un constat qui s’applique surtout aux employés moins performants jusqu’ici. Dans des professions plus complexes, comme celle d’analyste financier, l’utilisation de l’IA a déjà engendré de fortes fluctuations des effectifs. Les employés qui restent accomplissent souvent des tâches plus complexes, les plus simples étant confiées à l’IA. Nous n’avons toutefois pas conclu à des suppressions de postes dans toutes les professions.
Pour résumer, ce sont les professions dont les exigences peuvent être en grande partie remplies par l’IA, mais qui ne peuvent guère instaurer une collaboration productive avec cette technologie. Prenons l’exemple des employés d’un centre d’appel: aujourd’hui déjà, des systèmes automatisés pourraient se charger d’un grand nombre des opérations qu’ils effectuent. Cette activité est d’autant plus vulnérable qu’elle n’a guère de possibilités de collaborer avec l’IA. Autre exemple, celui des employés de bureau: nous estimons que 80% d’entre eux pourraient se retrouver en concurrence directe avec l’IA. Ce constat s’applique en particulier aux salariés non spécialisés, ce qui représente environ 320 000 emplois menacés en Suisse. Mais je tiens à préciser que ce n’est pas une fatalité: les personnes qui acquièrent les compétences requises ont de bonnes chances de tirer parti de l’IA.
Le marché suisse du travail dispose de bons atouts dans l’ensemble, mais il est impossible de prévoir toutes les interactions et toutes les conséquences d’une révolution de l’IA, comme le montre un petit rappel historique: on estime que 60% des employés sont actuellement actifs dans un métier qui n’existait pas en 1940, époque à laquelle on ne pouvait même pas imaginer un grand nombre des professions exercées de nos jours. Le même phénomène se produira certainement à l’avenir: l’IA ne détruira pas seulement des emplois, elle en créera aussi beaucoup. Un tournant qu’un marché du travail flexible saura négocier.
- Voir l’étude complète: Salvi M. et Schnell P. (2024). Zukunftssichere Berufe? Wie künstliche Intelligenz den Schweizer Arbeitsmarkt verändert. (disponible uniquement en allemand). []
Proposition de citation: Éclairage de Marco Salvi, Avenir Suisse (2024). Quelles sont les professions menacées par l’intelligence artificielle? La Vie économique, 12. novembre.