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Le taux de chômage baisse grâce à l’augmentation de l’emploi

Le marché du travail évolue de manière dynamique en Suisse. Le nombre de personnes actives doit être régulièrement actualisé pour refléter correctement le taux de chômage.
L’emploi dans le domaine de la santé et de l’action sociale a progressé ces dernières années. Des élèves d’une classe d’école enfantine à Hombrechtikon (ZH). (Image: Keystone)

Les statistiques suisses du marché du travail remontent à 1920. Aujourd’hui, le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) récolte des chiffres clés comme le nombre de chômeurs, le nombre de demandeurs d’emploi ou les places vacantes annoncées. Le taux de chômage est un indicateur économique important, calculé à partir du nombre de chômeurs inscrits auprès des offices régionaux de placement (ORP) et du nombre de personnes actives. Il renseigne sur la situation de l’emploi ainsi que sur la conjoncture économique et les variations saisonnières.

Le taux de chômage est en outre essentiel pour l’obligation d’annoncer les postes vacants, introduite en juin 2018. Les employeurs doivent annoncer aux ORP les postes vacants pour les genres de professions dont le taux de chômage national atteint au moins 8 %. Cette limite passera à 5 % dès 2020.

Sont considérés comme chômeurs tous les demandeurs d’emploi inscrits comme « sans emploi » auprès des ORP, à l’exception des personnes en gain intermédiaire ou en programme d’occupation. La notion de personnes actives englobe tous les actifs occupés au moins une heure par semaine ainsi que la population résidante permanente sans emploi. Les chiffres du chômage sont repris du système d’information en matière de placement et de statistique du marché du travail (Plasta). Ils sont complets, actualisés chaque jour et entrent dans le calcul des taux de chômage à la fin du mois.

Un échantillon plutôt qu’un relevé exhaustif


Jusqu’en 2010, les données des personnes actives reposaient sur le recensement de la population mené tous les dix ans par l’Office fédéral de la statistique (OFS) sous la forme d’un dénombrement complet. Elles sont depuis lors recensées par l’OFS au moyen d’une enquête structurelle sur l’activité professionnelle de la population menée chaque année auprès d’un échantillon de plus de 200 000 personnes. Révisées chaque année, ces données fondamentales des relevés structurels du recensement de la population permettent d’adapter plus souvent la base des personnes actives dans le cadre de la statistique du marché du travail, ce qui améliore la précision du taux de chômage.

Avant 2010, le même nombre de personnes actives était conservé durant dix ans : les taux de chômage étaient donc largement surestimés, en particulier vers la fin de cette période et pour les groupes à forte croissance de la population active. D’un autre côté, certaines statistiques comme les taux de chômage de petites communes deviennent inutiles, ou plutôt impossibles, à cause de la taille limitée des échantillons dans les relevés structurels.

Pour améliorer la profondeur de l’évaluation et la précision du taux de chômage, celui-ci repose depuis 2014, après une période de transition, sur la mise en commun (« pooling ») des chiffres des personnes actives sur trois ans (voir illustration 1) : le cumul des échantillons (« pooling ») permet d’analyser ensemble plusieurs passages d’une même enquête échelonnés dans le temps. En réunissant trois enquêtes successives, on obtient des résultats plus précis qu’avec une analyse fondée sur l’échantillonnage d’une seule année.

En 2019, une adaptation a par ailleurs été opérée dans les classes d’âge : la catégorie des « 50 ans et plus », jusqu’ici ouverte vers le haut, a été remplacée par la classe d’âge « 50 à 64 ans » et par la grandeur (résiduelle) « 65 ans et plus ». Les personnes de « 60 ans et plus » sont donc désormais ramenées à la classe d’âge « 60 à 64 ans ». Ces nouvelles catégories tiennent compte du fait que la réalité économique des travailleurs change lorsqu’ils atteignent l’âge ordinaire de la retraite. Les nouvelles limites d’âge correspondent ainsi aux classes d’âge appliquées par l’OFS dans le cadre de l’enquête suisse sur la population active (Espa).

Ill. 1. Base des personnes actives utilisée pour le taux de chômage (2008–2022)




Exemple de lecture : la nouvelle base des personnes actives (mise en commun provisoire de 2015 à 2017) a été introduite en juin 2019 avec effet rétroactif au 1er janvier 2017. Cette base reste inchangée jusqu’à la prochaine révision prévue mi-2022.

Oesch et Häubi (2019) / La Vie économique

Vieillissement démographique


Entre les périodes de référence des années 2012–2014 et des années 2015–2017, la population active a augmenté de 3,2 % pour atteindre plus de 4,6 millions de personnes. Ce chiffre plus élevé a fait baisser le taux de chômage actuel de 0,1 point de pourcentage : fin mai 2019, soit un mois avant l’introduction des nouveaux chiffres des personnes actives issus de la mise en commun 2015–2017, le taux de chômage calculé à partir de cette nouvelle base affichait 2,2 % (contre 2,3 % à partir de l’ancienne base).

Les relevés structurels de l’OFS (voir illustration 2) montrent que le vieillissement démographique est une tendance importante dans la population active. Entre les deux périodes de référence, le nombre d’actifs âgés de 15 à 24 ans a diminué de 28 000 personnes, soit un recul de 5,1 % chez les jeunes. Sur la même période, le nombre d’actifs âgés de 55 à 59 ans et de 60 à 64 ans a respectivement progressé de 10,8 % et 9 %. La hausse est en revanche plus légère parmi les 25–49 ans et se monte à 1,8 %.

Cette évolution se répercute sur les taux de chômage nouvellement calculés : tandis que le taux a baissé de 0,3 point de pourcentage à 2,7 % chez les actifs âgés de 60–64 ans, il a augmenté de 0,1 point à 2,3 % chez les 20–24 ans.

Contrairement à l’ancienne classe d’âge « 60 ans et plus », le taux de chômage dans la nouvelle catégorie « 60 à 64 ans » se situe nettement au-dessus de la moyenne générale (+0,5 point de pourcentage). Cela s’explique par le fait que les plus de 64 ans, rarement inscrits comme chômeurs, ne sont plus pris en compte.

Ill. 2. Changements dans la base des personnes actives par classes d’âge et effets sur les taux de chômage




Remarque : le graphique représente les effets de la nouvelle base de données sur le nombre de personnes actives et sur les taux de chômage à fin mai 2019. La moyenne générale était de 2,3 % avec l’ancienne base des personnes actives, contre 2,2 % avec la nouvelle.

Source : Seco (statistique du marché du travail) ; calculs des auteurs / La Vie économique

Une part croissante de femmes


La part des femmes dans l’offre de main-d’œuvre a augmenté de 0,3 point de pourcentage par rapport à la période de référence précédente pour atteindre 46,2 %. Cette hausse a induit une baisse de 0,1 point de pourcentage du taux de chômage des femmes. Il en va de même pour les ressortissants étrangers, dont le taux de chômage a reculé de 0,3 point de pourcentage à 3,8 % par rapport à l’ancienne base des personnes actives. Pour certaines nationalités comme la Hongrie, la Slovaquie ou la Pologne – qui comptent toutes relativement peu de personnes actives en Suisse –, le taux de chômage a même fondu de plus de deux points de pourcentage.

Concernant les personnes en provenance de Serbie et du Kosovo, les changements ont également des raisons politiques : de nombreux ressortissants serbes de Suisse ont reçu un passeport kosovar après que le Kosovo est devenu indépendant de la Serbie en 2008. Le nombre d’actifs de nationalité serbe a alors baissé de 10 526 personnes, ce qui s’est traduit par une hausse du taux de chômage de 0,9 point de pourcentage à 4,1 %. À l’inverse, le nombre d’actifs de nationalité kosovare a augmenté de 11 091 personnes, faisant reculer le taux de chômage de 1,5 point de pourcentage à 5,8 %.

La nouvelle base des personnes actives se répercute également sur les taux de chômage cantonaux. Le changement le plus marqué s’est produit à Genève, avec un recul de 0,3 point de pourcentage. Comme ailleurs en Suisse romande, la population active y a connu une croissance relativement forte. Vient ensuite le canton de Vaud, avec une baisse de 0,2 point de pourcentage. Argovie, Bâle-Ville, Fribourg, Soleure, le Tessin, le Valais et Zurich ont quant à eux vu leur taux de chômage cantonal reculer de 0,1 point de pourcentage. Ce taux est resté stable dans les autres cantons. Il est frappant de constater que le nombre de personnes actives a augmenté partout, sauf dans les cantons d’Appenzell Rhodes-Intérieures, du Jura et de Schaffhouse.

Hausse dans les professions de la santé


Comment se présente la situation de l’emploi dans les différentes branches économiques ? Le secteur tertiaire a progressé et le nombre de personnes actives occupées a augmenté en particulier dans les domaines « Santé et action sociale », « Activités spécialisées, scientifiques et techniques » et « Enseignement ». Il a en revanche reculé dans les « Professions commerciales » et les « Activités financières et d’assurance ». À partir de la nouvelle base, le taux de chômage a dans l’ensemble baissé de 0,1 point de pourcentage dans le secteur tertiaire, à 2,3 %.

La population active occupée s’est également étoffée dans l’agriculture, mais a globalement diminué dans l’industrie. Dans ces deux branches économiques, les taux de chômage sont restés inchangés.

Discussion concernant le schéma de révision


Comme le montre la répartition par âge, sexe, nationalité, secteur économique et canton, l’échantillonnage mis en commun permet un degré de détail des résultats d’une précision bonne à élevée. Toutefois, en raison de l’imprécision des échantillons, les évaluations sont limitées ou ne sont plus possibles à mesure que le niveau de détail augmente ou que l’on combine les caractéristiques géographiques et socioéconomiques.

À chaque cycle de révision, les taux de chômage sont calculés provisoirement pour une période de deux ans et demi et ne sont corrigés qu’une fois, a posteriori. Un réexamen plus fréquent des taux de chômage compliquerait la communication en la matière. Il s’agit en particulier d’éviter que des données provisoires soient remplacées par de nouvelles données provisoires dans le cadre d’un cycle plus court.

Les ruptures dans les séries chronologiques apparaissant en janvier 2010, 2014 et 2017 (mois de l’adaptation) révèlent l’inconvénient du schéma actuel. Les taux de chômage n’augmentent en effet pas lors de ces mois, alors que le nombre de chômeurs s’accroît en raison de facteurs saisonniers. Des phases d’adaptation plus courtes (par exemple à un rythme bisannuel) renforceraient en outre l’actualité des taux de chômage les plus récents.

Utiliser des données de la CdC ?


Aucune adaptation importante de la méthodologie de révision n’est prévue à moyen terme – pour autant que celle-ci doive changer. À plus longue échéance, il est envisageable que le nombre de personnes actives puisse également être établi dans le cadre de la statistique du marché du travail, sur la base des données du registre.

Les données de la Centrale de compensation (CdC) semblent prometteuses, car les comptes individuels de l’assurance vieillesse et survivants (CI-AVS) fournissent une base de données dans laquelle tous les actifs occupés de Suisse sont enregistrés. Si elle pouvait être complétée par d’autres informations sur la personne, la profession et l’employeur ainsi que sur les personnes sans emploi (chômeurs), cette base de données administrative devrait être sérieusement envisagée comme base de calcul des taux de chômage. Il s’agirait alors notamment de trouver une solution spéciale pour les 15–17 ans, qui ne figurent pas encore dans les données de la CdC. On pourrait également imaginer des concepts entièrement nouveaux, comme le remplacement des taux de chômage par un calcul des parts de chômeurs rapportées à la population, ce qui nécessiterait également de repenser l’interprétation de ce nouvel indicateur.

Proposition de citation: Thomas Oesch ; Robert Häubi ; (2019). Le taux de chômage baisse grâce à l’augmentation de l’emploi. La Vie économique, 19 décembre.