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Une région de tourisme: la Suisse méridionale

La Suisse méridionale comprend les cantons des Grisons, du Tessin et du Valais. Sa superficie couvre plus du tiers du territoire national, ce qui en fait la plus grande des sept régions suisses. Largement rurale, elle se caractérise par une faible densité démographique. La diversité de ses paysages et son climat doux en ont fait une destination de voyage privilégiée dès le milieu du XIXe siècle. Comme il s’agit d’une région périphérique et de montagne, la Suisse méridionale doit lutter contre certaines lacunes structurelles.

Une région de tourisme: la Suisse méridionale

Le tourisme est la branche clé de la Suisse méridionale. L’hôtellerie-restauration représente plus de 20% de la valeur ajoutée communale dans un cas sur dix (comme à Lugano).

Quelque 11% de la population suisse vit en Suisse méridionale. Elle génère un PIB nominal de 51 milliards de francs, soit 9% de toutes les richesses créées dans le pays. Comme le PIB de la région est proportionnellement inférieur à sa population, cela signifie que la valeur ajoutée produite par chacun de ses habitants est inférieure à la moyenne nationale, dont elle ne représente que 81%. Cette relative faiblesse se reflète dans l’indice de compétitivité, où la Suisse méridionale fait plutôt pâle figure par rapport à l’ensemble du pays (voir graphique 1).Grafik_Held_1_DE[1] Si on la compare, inversement, à l’Europe occidentale, elle sort gagnante. À l’exception du Tyrol, avec lequel elle fait jeu égal, l’indice de compétitivité de la Suisse méridionale est supérieur à celui des régions étrangères de référence.

L’écart entre la Suisse méridionale et l’ensemble du pays s’élargit


Si l’on considère l’évolution de la compétitivité de la Suisse méridionale par rapport à l’ensemble du pays, on constate que l’écart s’est creusé ces vingt dernières années (voir graphique 2).Grafik_Held_2_DE[1] Dans la première moitié des années nonante, le PIB de la région et celui de la Suisse évoluaient de manière très semblable. Ce n’est qu’ensuite qu’ils se sont distancés l’un de l’autre. Cela peut notamment s’expliquer par le fait que la récession du milieu des années nonante a davantage touché le sud du pays en raison de sa forte dépendance conjoncturelle à la demande touristique. En 2012, le PIB suisse était de 36% supérieur à son niveau de 1990, celui du sud du pays ne l’était que de 22%. Cette différence se retrouve dans le PIB par habitant, qui a augmenté de 14% dans le premier cas et de 1% dans le second. Si l’on mesure l’évolution touristique au nombre de nuitées hôtelières, on voit que celles-ci ont reculé de 13% entre 2000 et 2013 en Suisse méridionale. Si jusqu’en 2008, la demande a augmenté, elle s’est nettement contractée les années suivantes en raison de la crise économico-financière et du franc fort. Le phénomène a été moins violent dans l’ensemble du pays où le nombre de nuitées calculées sur la période de référence (2000–2013) se solde même par un gain de 4%. Une analyse plus fine montre que cette croissance ne concerne que les villes, tandis que le tourisme rural reculait dans tout le pays.

L’indice d’attractivité mesure l’attrait d’une région pour les entreprises et pour la main-d’œuvre hautement qualifiée. Celui de la Suisse méridionale est de 108, ce qui le place en dessous de l’indice suisse (114), mais nettement au-dessus de celui des régions de référence européennes. Ce très bon score résulte principalement de la faible charge fiscale et d’une réglementation du marché relativement peu importante. Cela signifie que le cadre économique de la Suisse méridionale – un élément essentiel lorsque les entreprises cherchent un site où s’établir et la main-d’œuvre hautement qualifiée un emploi – est nettement supérieur à celui de régions européennes équivalentes. L’indice de potentiel structurel, qui exprime les possibilités de développement économique, relègue également la Suisse méridionale derrière l’ensemble du pays (118 points contre 122). La région ne doit, toutefois, pas redouter la concurrence internationale, car seul le Tyrol présente un indice supérieur au sien.

Le tourisme, une branche clé


Pour mieux comprendre les performances économiques de la Suisse méridionale, on dispose d’un instrument précieux: la structure par branches. Le secteur public et le commerce figurent – comme dans la plupart des autres régions – parmi les mieux représentées (voir graphique 3).Grafik_Held_3_DE[1] La quote-part relativement importante du secteur financier s’explique surtout par la force de la place de Lugano. La part relativement faible de l’hôtellerie-restauration (4%, Suisse: 2%) peut, au contraire, surprendre, alors que c’est une branche majeure de l’économie touristique. Il faut, toutefois, tenir compte du fait que d’autres domaines bénéficient ou dépendent, directement ou indirectement, du tourisme. C’est le cas du commerce de détail, de l’immobilier, de la construction et des transports. Ensemble, les branches liées au tourisme pèsent pour un tiers dans l’économie de la Suisse méridionale, ce qui n’est pas le cas pour tout le pays (24%). L’importance du tourisme dépasse, dès lors, de loin les 4% attribués à l’hôtellerie-restauration.

L’hôtellerie-restauration suisse regroupe la consommation hors domicile de la population indigène, qu’elle soit touristique ou non. L’hébergement constitue en moyenne 40% de la branche dans l’ensemble du territoire; en Suisse méridionale, ce chiffre est supérieur de 20 points de pourcentage. Dans les Grisons, il représente même les deux tiers de de l’hôtellerie-restauration.

Comparée à la répartition par branches de l’économie nationale, celle de la Suisse méridionale privilégie, en dehors de l’hôtellerie-restauration, la construction, l’approvisionnement en énergie et en eau, l’immobilier et la chimie. Il faut y ajouter les services liés aux entreprises et les biens d’équipement. L’industrie chimique se trouve surtout dans le Valais avec les firmes Lonza et Syngenta. L’approvisionnement en énergie et en eau profite d’une topographie particulièrement propice aux centrales à accumulation.

L’hôtellerie-restauration: une branche faiblement concentrée


L’hôtellerie-restauration est surtout constituée de petits et très petits établissements. Elle revêt une grande importance en zone de montagne: elle est, en effet, synonyme de valeur ajoutée et d’emplois dans ces régions périphériques et vulnérables. Elle est donc d’un apport déterminant à la politique régionale, dont le but est de maintenir une occupation décentralisée du territoire et de réduire les disparités géographiques. Le graphique 4 montre qu’une importante partie des hôtels-restaurants de Suisse méridionale ne se regroupent pas autour d’un petit nombre de pôles touristiques, mais que pratiquement tout le territoire est concerné.Grafik_Held_4_DE[1] La valeur ajoutée de la branche n’est inférieure à la moyenne suisse (pour rappel: 2,0%) que dans un tiers des 440 communes concernées. Elle dépasse, inversement, 20% dans 11% des communes. Citons parmi ces citadelles touristiques: Zermatt, Loèche-les-Bains et Saas-Fee au Valais; Arosa, Davos, Saint-Moritz et Flims dans les Grisons; Lugano et Ascona au Tessin. Il existe, en outre, de très nombreuses stations plus petites et moins connues où l’hôtellerie-restauration est d’un apport considérable.

Une attractivité diverse


Le graphique 5 montre les différentes dimensions de l’indice d’attractivité ainsi que d’autres facteurs qui font l’attrait de la Suisse méridionale et de l’ensemble du pays.Grafik_Held_5_DE[1] La valeur moyenne nationale est, dans tous les cas, de 100. Les résultats ne sont pas très réjouissants pour la région étudiée dans cet article. L’imposition des entreprises et des actifs très qualifiés, de même que la qualité de vie – composée de facteurs économiques, sociétaux et écologiques – obtient un score de 95, soit légèrement inférieur à la moyenne suisse. Le résultat est bien pire en ce qui concerne l’accessibilité, en raison notamment de l’absence d’un grand aéroport. La région ne brille pas non plus en ce qui concerne le nombre de brevets par habitant, la politique financière durable et le taux d’actifs de formation tertiaire.

Le nombre de nouvelles entreprises par habitant est, par contre, remarquable. Les enquêtes montrent que l’hôtellerie-restauration présente un dynamisme démographique élevé à cet égard: nombreux sont les établissements qui disparaissent et qui se créent. Ce phénomène concerne, néanmoins, davantage la restauration que l’hôtellerie. Le taux d’actifs de formation secondaire est également supérieur à la moyenne suisse.

Des défis à relever


L’analyse montre clairement que les performances économiques de la Suisse méridionale sont en retrait par rapport à celles du pays. La région doit d’abord se battre contre des problèmes propres aux zones de montagne et périphériques. Elle a, en outre, particulièrement souffert, depuis quelques années, des difficultés traversées par le tourisme en raison de la crise économico-financière mondiale et du franc fort. Cette situation n’a pas touché que l’hôtellerie-restauration, mais toutes les branches qui vivent directement ou indirectement du tourisme. La construction constitue un autre défi pour l’avenir de la région. L’initiative sur les résidences secondaires, qui limite strictement leur extension, aura probablement des répercussions négatives sur l’industrie du bâtiment. La mise en œuvre de l’initiative sur l’immigration de masse constitue actuellement un autre facteur d’insécurité. L’hôtellerie-restauration emploie nettement plus d’étrangers que l’économie en général. Une région touristique comme la Suisse méridionale sera donc très sensible à la façon dont ce texte sera appliqué. Ce qui précède montre que le sud du pays doit maximaliser son potentiel – que ce soit dans cette branche ou dans les autres –, afin de dynamiser sa croissance.

Proposition de citation: Natalia Held (2014). Une région de tourisme: la Suisse méridionale. La Vie économique, 10 octobre.