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Le vieillissement de la population génère des charges supplémentaires pour l’État

Les dépenses en faveur de l’AVS et de la santé ne cessent d’augmenter. Des gains de productivité ou un renforcement de l’immigration pourraient toutefois aider à atténuer ces charges supplémentaires.
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Deux retraités faisant de la gymnastique afin de rester en forme. Les coûts de la santé continuent cependant d’augmenter en raison du vieillissement. (Image: Keystone)

Le vieillissement de la population va se poursuivre à un rythme soutenu jusqu’au moment où la génération des baby-boomers aura pris sa retraite, soit le milieu des années 2030. Le vieillissement démographique s’explique par le faible taux de natalité observé depuis les années 1990 (environ 1,5 enfant par femme) et par l’allongement de l’espérance de vie. Actuellement, le rapport de dépendance des personnes âgées, c’est-à-dire le rapport entre les personnes de plus de 65 ans et celles en âge de travailler (20-64 ans), s’élève à 31%, soit un senior pour trois personnes actives, et devrait encore augmenter pour atteindre 50% en 2060. Cette évolution démographique aura des conséquences financières, comme le montre le rapport «Perspectives à long terme des finances publiques en Suisse» du Département fédéral des finances[1], publié tous les quatre ans.

Hausse de la quote-part de l’État

Le vieillissement de la population a pour conséquence immédiate l’augmentation de la quote-part de l’État. Cette dernière, qui correspond au ratio entre les dépenses de l’ensemble des collectivités publiques (assurances sociales comprises) et le produit intérieur brut (PIB), a progressé entre 2008 et 2019, passant de 30,2% à 31,1%[2]. Si la démographie et l’économie évoluent comme prévu, elle devrait atteindre 33,7% en 2060[3] (voir illustration 1).

Ill. 1: Évolution et projections de la quote-part de l’État selon le scénario de base (2008 à 2060)

GRAPHIQUE INTERACTIF
Remarque: Alors que la quote-part de l’État est corrigée des transferts entre collectivités publiques, ce n’est pas le cas des taux de dépenses respectifs de la Confédération, des cantons, des communes et des assurances sociales. C’est la raison pour laquelle, dans l’illustration ci-dessus, la quote-part totale de l’État est inférieure au total des quotes-parts de chaque collectivité publique, assurances sociales comprises. Les dépenses exceptionnelles, y compris celles effectuées pendant la pandémie de Covid-19 (ligne pointillée), ne sont représentées qu’à titre d’illustration et ne sont pas prises en compte dans les projections à long terme.
Source: AFF / La Vie économique

 

Cette augmentation est attribuable avant tout à l’accroissement des dépenses sensibles à l’évolution démographique (dépenses pour les assurances sociales AVS/AI, la santé, les soins de longue durée à partir de 65 ans et la formation) à hauteur de 2,6% du PIB (voir tableau).

Le vieillissement pèse sur les dépenses de l’État

Selon le scénario de base des «Perspectives à long terme», la hausse des charges n’affectera pas tous les niveaux de l’État de la même façon (voir tableau). Les dépenses cumulées de la Confédération et des assurances sociales connaîtront la plus forte hausse, avec une augmentation de 1,2% du PIB (soit 8,9 milliards de francs, aux prix de 2021) d’ici 2060.

Dépenses publiques sensibles à l’évolution démographique (en pourcentage du PIB)

Remarque: calculs selon le scénario de base. Les dépenses de l’État sont corrigées des transferts entre collectivités publiques.
Source: AFF / La Vie économique

 

Le rapport entre les dépenses en faveur des assurances sociales et le PIB augmentera nettement (+ 0,7% du PIB). La forte pression sur les coûts proviendra de l’AVS, car le départ à la retraite des baby-boomers entraînera une hausse particulièrement forte des dépenses dans ce domaine jusqu’en 2040. Par la suite, les dépenses de l’AVS fléchiront légèrement, eu égard au relèvement de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans décidé lors de la réforme AVS 21 et à la baisse des dépenses en faveur de l’assurance invalidité (AI), dont la part dans le PIB diminuera à moyen terme, le nombre de bénéficiaires augmentant moins vite que la population totale.

S’agissant du budget fédéral, la pression sur les coûts (+0,3%) est elle aussi due à l’AVS et à ses prestations complémentaires. Cette augmentation s’explique par le fait que la Confédération participe actuellement à hauteur de 20,2% aux dépenses de l’AVS et que les dépenses fédérales en faveur de la réduction individuelle des primes (RIP) vont augmenter (+0,2%). Au total, les coûts pour la Confédération augmenteront de 0,53% du PIB d’ici 2060[4].

Les dépenses d’origine démographique supportées par les cantons augmenteront elles aussi nettement (+1% du PIB) à la suite de l’augmentation des coûts de la santé, notamment des dépenses hospitalières et du RIP (+0,6%) et, dans une moindre mesure, des soins de longue durée (+0,3%). D’ici 2040, la croissance des dépenses cantonales s’accentuera également dans le domaine de l’éduction à la suite de la forte augmentation du nombre d’élèves et d’étudiants (+0,1%).

D’ici 2060, les communes devront elles aussi faire face à des dépenses supplémentaires (+0,3% du PIB). Jusqu’en 2040, celles-ci seront dues aux soins de longue durée (+0,1%) et à l’éducation (+0,05%), tandis qu’après 2040, le secteur des soins sera pratiquement le seul responsable de cette surcharge.

Les dépenses d’origine démographique accentuent le taux d’endettement

Selon le scénario de base (voir illustration 2), l’augmentation des dépenses d’origine démographique entraînera une hausse du taux d’endettement de l’État (rapport de la dette publique au PIB), qui passera de 27% du PIB actuellement à 48% du PIB[5].

Du point de vue budgétaire, le taux d’endettement devrait être stabilisé à un certain niveau, à long terme. Selon les normes internationales de l’OCDE et du FMI, on se réfère fréquemment, à cet effet, au niveau de l’année de base. Pour la Suisse, le taux d’endettement devrait ainsi être stabilisé à hauteur de 27% du PIB, ce qui reviendrait à corriger annuellement le budget fédéral de 0,7% du PIB entre 2028 et 2060 (soit 5,2 milliards de francs par an, aux prix de 2021), via des augmentations d’impôts, des augmentations des taux de cotisations ou une réduction des dépenses.

Ill. 2: Évolution du taux d’endettement dans le scénario de base (2021 à 2060)

GRAPHIQUE INTERACTIF
Remarque: Le taux d’endettement de l’État est corrigé des transferts entre collectivités publiques, ce qui n’est pas le cas des taux d’endettement respectifs de la Confédération, des cantons, des communes et des assurances sociales. C’est la raison pour laquelle la quote-part totale de l’État est inférieure aux quotes-parts de chaque collectivité publique, assurances sociales comprises.
Source: AFF / La Vie économique

Le taux d’endettement de l’État diminuera dans un premier temps jusqu’en 2032, avant d’augmenter continuellement en raison de la pression démographique. Le fléchissement initial sera dû à la réforme AVS 21, grâce à laquelle les déficits réguliers des assurances sociales ne débuteront qu’en 2032, et à l’évolution positive de l’AI. Le relèvement successif attendu des bénéfices distribués chaque année par la Banque Nationale Suisse jusqu’en 2032 (de 1,3 milliard à 4 milliards de francs) aura un effet positif sur les finances des cantons, tout comme l’évolution économique positive envisagée dans le scénario de base.

L’immigration et les gains de productivité réduisent la pression sur les dépenses

Outre le scénario de base, quatre scénarios ont été établis. Ils montrent qu’une croissance économique plus soutenue peut atténuer les charges supplémentaires de l’État liées au vieillissement. L’accélération des gains de productivité et une immigration plus importante ont en effet des effets positifs sur les finances de la Confédération et des assurances sociales[6]. Une croissance économique plus forte entraîne toutefois une charge supplémentaire modérée pour les cantons qui voient leurs dépenses de santé augmenter.

La nécessité d’agir n’en est que plus grande dans les secteurs de l’AVS et de la santé. De nouvelles réformes de l’AVS seront indispensables au niveau fédéral au plus tard à la fin des années 2020. Ces réformes sont devenues encore plus urgentes à la suite de l’acceptation de l’initiative pour une 13e rente AVS, car la hausse des dépenses de santé compromet la viabilité des finances cantonales. Il faut donc avant tout faire des réformes visant à améliorer le système de santé et à mieux piloter les dépenses dans ce secteur.

  1. Voir DFF (2024). []
  2. Pour que les effets à court terme ne soient pas projetés à long terme, le PIB est corrigé des incidences conjoncturelles. []
  3. Pour une présentation complète, voir DFF (2024). []
  4. Acceptée en mars 2024, l’initiative populaire pour une 13e rente AVS n’a pas été prise en compte dans les Perspectives à long terme 2024 car sa mise en œuvre n’est pas encore connue. Si l’on prend en compte un relèvement des rentes à hauteur de 8,3%, les dépenses augmenteront de 0,6% du PIB au niveau fédéral d’ici 2060 (assurances sociales comprises). []
  5. Les régimes fiscaux ne sont pas pris en compte, sans quoi la nécessité d’intervenir dans le domaine de la politique économique ne pourrait être représentée. []
  6. Une étude de l’Office fédéral des assurances sociales (Ofas) constate également un effet favorable de l’immigration sur l’AVS. Voir Office fédéral des assurances sociales (2023). []

Bibliographie
  • Département fédéral des finances (2024). Perspectives à long terme des finances publiques en Suisse, 2024. Vieillissement et neutralité climatique. Avril 2024, Berne.
  • Office fédéral des assurances sociales (2023). Migration und Sozialversicherungen – Eine Betrachtung der ersten Säule und der Familienzulagen [rapport disponible uniquement en allemand, avec avant-propos et résumé en français]. Aspects de la sécurité sociale, rapport de recherche 06/23, Berne.

Bibliographie
  • Département fédéral des finances (2024). Perspectives à long terme des finances publiques en Suisse, 2024. Vieillissement et neutralité climatique. Avril 2024, Berne.
  • Office fédéral des assurances sociales (2023). Migration und Sozialversicherungen – Eine Betrachtung der ersten Säule und der Familienzulagen [rapport disponible uniquement en allemand, avec avant-propos et résumé en français]. Aspects de la sécurité sociale, rapport de recherche 06/23, Berne.

Proposition de citation: Colombier, Carsten; Lerch, Benjamin; Brändle, Thomas (2024). Le vieillissement de la population génère des charges supplémentaires pour l’État. La Vie économique, 25. juin.