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Subventions: le manque de contrôle nuit à la rentabilité

La Confédération accorde toujours plus de subventions. Un rapport de synthèse, qui compile les résultats de nombreux audits effectués par le Contrôle fédéral des finances, montre qu’il faudrait concevoir ces subventions de manière plus ciblée, les allouer de manière plus avisée et mieux les contrôler.
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La Confédération subventionne notamment l’élevage suisse. (Image: Keystone)

Qu’il s’agisse de prestations à l’assurance vieillesse et survivants (AVS), de paiements directs aux agriculteurs ou de versements au Fonds d’infrastructure ferroviaire, la Confédération verse de nombreuses subventions. En 2023, celles-ci se sont élevées à plus de 47,6 milliards de francs, soit près de 60% des dépenses fédérales. Plus de trois quarts de ces subventions concernent les assurances sociales, l’éducation, la recherche et les transports (voir illustration 1).

Les dépenses ont été particulièrement élevées en 2020 et 2021, années placées sous le signe de la pandémie de Covid-19 (voir illustration 2). Afin d’en atténuer les conséquences économiques, la Confédération a principalement accordé des indemnités liées à la réduction de l’horaire de travail et aux mesures pour les cas de rigueur, ainsi que des allocations pour perte de gain due au coronavirus[1].

En charge de l’examen des flux financiers, le Contrôle fédéral des finances (CDF) a récemment publié un rapport de synthèse sur les subventions, motivé notamment par l’augmentation des montants accordés[2]. Ce rapport se fonde sur les 36 audits effectués et les 90 recommandations émises entre 2018 et 2022. Le présent article en résume les principales conclusions.

Ill. 1: Près de la moitié des subventions de la Confédération bénéficient aux assurances sociales (en milliards de francs suisses, 2023)

GRAPHIQUE INTERACTIF
Source: Banque de données des subventions de l’Administration fédérale des finances/La Vie économique

Toutes les subventions ne sont pas nécessaires

Les subventions peuvent être assimilées à des avantages spécifiques accordés à un groupe de destinataires donné et financés par la collectivité. La loi sur les subventions (LSu) stipule que le soutien accordé par la Confédération via les subventions doit être nécessaire. L’argent du contribuable doit en outre être utilisé de manière économique et l’octroi de subventions doit présenter un avantage pour la société[3]. Il est donc important de définir clairement les objectifs que les subventions doivent permettre d’atteindre. Les programmes d’encouragement pour la rénovation énergétique des bâtiments, par exemple, ont pour objectif de renforcer l’efficacité énergétique et de réduire les émissions de CO2.  Ce sont là des objectifs concrets qui contribuent à garantir la transparence et sont essentiels pour la planification, le pilotage et le contrôle des subventions.

Les audits du CDF montrent toutefois que les objectifs des subventions examinées n’étaient souvent pas clairement définis ou que les activités qui en bénéficiaient n’étaient pas adaptées à la réalisation des objectifs. Il manquait souvent aussi des indicateurs pour mesurer la réalisation des objectifs. Prenons l’exemple des contributions financières allouées aux écoles suisses à l’étranger: il est difficile de comprendre ce que l’on entend concrètement par l’objectif de «diffusion de la culture suisse». Les experts du CDF ont par ailleurs constaté qu’une orientation axée sur les résultats faisait particulièrement défaut dans les projets impliquant plusieurs offices fédéraux et cantons. Il n’a visiblement pas toujours été possible de combiner les intérêts divergents des parties prenantes et des différentes politiques sectorielles afin de s’accorder sur des objectifs univoques, ce qui a occasionné des conflits d’objectifs.

Lorsqu’ils accordent des aides financières, les offices doivent s’assurer que les bénéficiaires fournissent une prestation propre raisonnable et qu’ils ont épuisé toutes les autres possibilités de financement. Il faut donc évaluer leur capacité financière afin d’adapter le montant de la subvention, ce que les offices concernés ne font pas de manière assez systématique. Ceux-ci tendent par ailleurs à octroyer les aides de manière uniforme en vue de respecter le principe de l’égalité de traitement, ce qui revient toutefois à verser aux entreprises et aux particuliers disposant d’une assise financière confortable des aides supérieures à ce dont ils auraient besoin. Dans le domaine de l’agriculture, la Confédération subventionne par exemple l’élevage et la commercialisation de produits issus de l’agriculture suisse. Or, ces subventions profitent également à des associations dotées de capitaux propres importants, représentant plusieurs années de dépenses.

Ill. 2: Les subventions de la Confédération ont bondi pendant la pandémie de Covid-19 (2013-2023)

GRAPHIQUE INTERACTIF
Source: Banque de données des subventions de l’Administration fédérale des finances/La Vie économique

Le problème des effets d’aubaine

Les effets d’aubaine sont un autre problème de taille. Par effet d’aubaine, on entend le fait que le bénéficiaire aurait de toute façon réalisé (partiellement ou intégralement) le changement de comportement visé par la subvention, car c’était dans son propre intérêt. Les offices concernés n’ont souvent pas conscience de cet aspect ni des incitations que créent les subventions. Lors de la rénovation complète de l’aérodrome de Gstaad-Saanen, la Confédération a par exemple cofinancé la création de cinq hangars. Ceux-ci ont été construits avec un niveau d’exécution supérieur aux standards et peuvent être utilisés pour organiser des événements. De plus, une compagnie aérienne privée a effectué un don pour la rénovation. L’ensemble de ces éléments indique qu’il y avait un intérêt propre élevé des utilisateurs des hangars et qu’il y a probablement eu un effet d’aubaine.

La probabilité d’un effet d’aubaine est particulièrement forte lorsque le soutien financier de la Confédération ne représente qu’une faible part des coûts du projet ou que la décision de réaliser ce dernier a été prise avant la décision d’octroi de la subvention. La distribution des subventions selon le «principe de l’arrosoir» ne fait qu’accentuer le problème.

Le manque de transparence entrave la surveillance

Les offices allouant des subventions doivent créer des incitations pour que les bénéficiaires utilisent les contributions fédérales de manière adéquate et économique. Ces derniers ne peuvent décompter que les prestations autorisées et effectivement fournies; c’est aussi à eux de présenter la comptabilité correspondante. Les offices concernés doivent également s’assurer que les coûts éventuels découlant d’une gestion inefficace soient supportés par les bénéficiaires eux-mêmes. Enfin, le mécanisme d’allocation et de contrôle des subventions ne doit pas être trop complexe. Or, les audits ont montré que toutes ces exigences n’étaient pas toujours remplies.

Le CDF relève que l’impossibilité de distinguer les prestations donnant droit à une subvention des autres prestations nuit à l’utilisation économique des subventions. Des conventions de prestations insuffisamment précises ont conduit à allouer des subventions pour des activités inappropriées et ont compliqué la surveillance. Prenons les contrôles de qualité du lait suisse: les décomptes fournis par les bénéficiaires ont englobé non seulement les coûts des contrôles nécessaires conformément à l’ordonnance sur le contrôle du lait, mais aussi ceux des tests complémentaires ainsi que les frais administratifs. Dans ce cas, qui n’est pas isolé, la comptabilité analytique n’a pas été assez transparente pour permettre de vérifier l’utilisation adéquate des subventions. De manière générale, trop de prestations ont ainsi été facturées à la Confédération. De leur côté, les offices concernés sont peu enclins à réclamer le remboursement de la subvention pour les prestations non fournies ou qui ne peuvent être prouvées.

Enfin, le CDF a constaté que les systèmes de financement sont souvent trop détaillés, ce qui se traduit par une charge administrative excessive. Des systèmes trop rigides peuvent, dans le cas des subventions de démarrage ou de développement – comme celles allouées aux organisations non gouvernementales qui interviennent en cas de catastrophe naturelle ou dans des pays à risques – démotiver les bénéficiaires à fournir les prestations et empêcher l’innovation.

Comment faire mieux ?

Les offices allouant des subventions doivent bénéficier d’un plus grand soutien pour concevoir des subventions ciblées et contrôler leur octroi. Le CDF a donc recommandé à l’Administration fédérale des finances (AFF) de donner des instructions en ce sens aux offices concernés et d’améliorer le contrôle des subventions fédérales. Grâce à son guide d’élaboration des rapports sur les subventions, l’AFF peut notamment veiller à ce que les offices mettent davantage l’accent, lors de la rédaction des messages relatifs à des révisions de la loi, sur la nécessité d’éviter les effets d’aubaine et d’exiger que les bénéficiaires fournissent de manière plus systématique des prestations propres. L’AFF devrait aussi mieux sensibiliser les offices allouant des subventions à cet aspect lors des examens de subventions réalisés périodiquement. Office transversal disposant de l’expertise nécessaire et d’un point de vue indépendant en matière de conception des subventions, l’AFF doit donc s’impliquer activement dans leur introduction et leur contrôle.

Le CDF, pour sa part, s’est limité dans son analyse aux aspects techniques susceptibles d’améliorer la conception des dispositions relatives aux subventions. Pour améliorer la situation, il faut évidemment que le Parlement ait la volonté politique de freiner la croissance des aides fédérales. Or, cette volonté n’est pas toujours manifeste.

  1. Voir Mesures fédérales pour l’économie en rapport avec la pandémie de Covid-19. []
  2. Voir CDF (2024). Subventions: rapport de synthèse sur les audits précédents[]
  3. Voir loi fédérale du 5 octobre 1990 sur les subventions, RS 616.1 []

Proposition de citation: Pfiffner, Roger; Aeby, Daniel (2024). Subventions: le manque de contrôle nuit à la rentabilité. La Vie économique, 13. septembre.