La surveillance des marchés financiers sévit contre les intermédiaires d’assurance douteux

Souvent non sollicité, le démarchage téléphonique dans le domaine de l’assurance-maladie est désormais strictement encadré. (Image: Keystone)
Il est dix-huit heures trente. La famille est à table et se réjouit de partager un repas quand soudain le téléphone sonne. «Bonsoir», dit une voix inconnue, «j’ai une offre incroyable à vous faire. Je travaille pour Tellsana, la plus grande assurance-maladie de Suisse. L’année prochaine, votre assurance actuelle augmentera de 20%. Rejoignez-nous et profitez de l’offre la plus avantageuse qui inclut de nombreuses prestations supplémentaires.»
L’exemple ci-dessus est certes fictif, mais il n’est pas inventé de toutes pièces. Cette année encore, de nombreuses personnes vivant en Suisse ont été importunées par de tels appels dont les auteurs trouvent souvent des subterfuges pour décrocher un rendez-vous avec leur interlocuteur. Ceux-ci n’hésitent pas à mentir, prétendant être employés par une société suisse d’assurance-maladie alors qu’ils travaillent dans un centre d’appels. Ils indiquent un faux nom et inventent des informations quant à la police d’assurance en cours et aux nouveaux produits. Le rendez-vous n’est en outre pas fixé avec la personne qu’ils appellent, mais vendu via une sorte de bourse à un intermédiaire qui tente à son tour d’obtenir un entretien de conseil et, en cas de succès, transmet le contrat obtenu à un assureur-maladie qui lui verse en échange une commission.
Une nouvelle règlementation pour empêcher les abus
En 2024, la loi a été modifiée afin d’interdire les activités d’intermédiation abusives comme celle décrite dans l’exemple ci-dessus. Les intermédiaires qui travaillent dans le domaine des assurances privées relèvent désormais de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma)[1]. Avant de débuter leur activité, ils doivent remplir certaines conditions, notamment attester d’une formation et d’un perfectionnement conformes aux normes minimales de l’Association pour la formation professionnelle en assurance (AFA).
Ces intermédiaires doivent en outre jouir d’une bonne réputation et fournir des garanties quant au respect des lois. Leur curriculum vitae ainsi que leurs extraits de casier judiciaire et de registre des poursuites sont examinés. Il existe également des exigences particulières concernant le déroulement des entretiens de conseil: les intermédiaires en assurance-maladie sont par exemple tenus de rédiger un procès-verbal mentionnant l’accord du client ainsi que du conseiller ou de la conseillère quant aux principaux points de l’entretien. De plus, le démarchage dit «à froid» est interdit en matière d’assurance-maladie.
On parle de «démarchage à froid» lorsqu’une compagnie d’assurance ou un intermédiaire prend un contact téléphonique non sollicité ni souhaité par le preneur d’assurance, comme dans l’exemple décrit plus haut. Les appels sont autorisés s’il existe déjà une relation d’affaires entre l’assuré et la compagnie, si le client était assuré auprès de la caisse-maladie au cours des trois dernières années ou si l’appel est effectué sur recommandation d’un tiers connu de la personne appelée.
En cas d’infraction, la Finma peut prendre des mesures contre les établissements et les personnes fautifs en mettant fin à leur activité abusive ou en leur retirant leur autorisation. La Finma peut également prendre d’autres mesures: en cas de violation de l’obligation d’information (voir encadré), d’exercice non autorisé d’une activité ou de non-respect des dispositions spécifiques de l’assurance-maladie, elle peut déposer une dénonciation pénale.
Démasquer les intermédiaires qui ne respectent pas la réglementation
Les structures échafaudées par les intermédiaires frauduleux sont souvent complexes et comprennent plusieurs niveaux. Elles impliquent parfois des personnes domiciliées à l’étranger, ce qui complique encore les enquêtes. Pour que la Finma puisse intervenir efficacement, il faut qu’il y ait suffisamment d’indices menant aux personnes impliquées: il doit ainsi être possible d’établir qui est le responsable principal de l’activité abusive d’intermédiaire, en se basant par exemple sur les flux d’argent (commissions payées et autres indemnités).
C’est pour cette raison que la Finma a demandé aux compagnies d’assurance[2] d’imposer à leurs partenaires commerciaux de mettre en place des règles de gouvernance adaptées et des contrôles efficaces pour une amélioration durable de la situation. En versant des commissions aux intermédiaires, les assureurs peuvent exercer une influence directe sur les pratiques de ceux-ci.
De premières enquêtes en cours
La Finma a déjà reçu de nombreux signalements d’intermédiations non autorisées ou abusives. Elle a lancé des investigations approfondies dans une centaine de cas qui ont mené à l’identification de plus de 350 intermédiaires exerçant sans autorisation. Dans certains cas, plusieurs partenaires non autorisés qui travaillaient de concert ont été démasqués. Étant donné qu’elle a besoin du plus grand nombre possible de signalements fondés de victimes pour ouvrir une procédure contre les acteurs du marché fautifs, la Finma a publié sur son site Internet un formulaire général d’avertissement ainsi qu’un formulaire spécifique de signalement des démarchages téléphoniques à froid.
- En vertu de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal), l’autorité compétente en matière d’assurance-maladie obligatoire est l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). []
- Voir Communication de la Finma sur la surveillance 05/2024 du 17 juillet 2024. []
Proposition de citation: Geissbühler, Markus (2025). La surveillance des marchés financiers sévit contre les intermédiaires d’assurance douteux. La Vie économique, 28. janvier.
Il est important que les assurés connaissent leurs droits et exigent les informations suivantes de la part des intermédiaires d’assurance:
- en cas de conseils par téléphone, l’identité du conseiller doit être connue;
- l’assuré doit savoir pour quelle entreprise ou quelles compagnies d’assurance le conseiller travaille;
- une confirmation écrite consignant les principaux points de l’entretien de conseil peut prévenir d’éventuels abus lors de la conclusion du contrat; elle est obligatoire pour les socitétés d’assurance-maladie.
L’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) propose sur son site Internet une courte vidéo sur les droits et les possibilités de protection des preneurs d’assurance.