Les taux négatifs feront-ils bientôt leur retour?
Éclairage d'Adriel Jost, Institut de politique économique suisse

Le président de la Direction générale de la Banque nationale suisse Martin Schlegel doit trouver le juste équilibre: dans quelle mesure le franc suisse peut-il s’apprécier sans peser sur l’économie? (Image: Keystone)
L’industrie exportatrice suisse va au-devant de mois difficiles. L’appréciation du franc met les marges des entreprises sous pression, sans compter que les exportations vers les États-Unis pourraient être frappées de droits de douane. En parallèle, l’économie mondiale fait face à un ralentissement.
Elle doit peser le pour et le contre. La BNS peut certes exercer une pression à court terme sur les cours en achetant des devises, ce qui aura un effet positif sur la conjoncture. Mais à long terme, elle ne peut pas inverser le cours des choses. Autrement dit, elle doit accepter les appréciations du franc si elle ne veut pas que celui-ci soit lié aux devises des grandes zones monétaires, dont la politique d’endettement aboutira à une perte massive de pouvoir d’achat. Après tout, la Suisse prouve qu’une monnaie forte peut aller de pair avec une industrie exportatrice performante.
On surestime l’impact de la politique monétaire nationale sur les taux à long terme.
Les achats de devises présentent des inconvénients tels que l’augmentation des risques dans le bilan de la BNS. Des pertes pourraient entraîner une érosion des capitaux propres. Une intervention de la BNS sur le marché des changes entraîne effectivement une appréciation des autres monnaies. Les réserves de devises peuvent ainsi devenir un enjeu de politique étrangère. On souhaiterait en Suisse que le monde politique ne s’immisce pas dans les affaires de la banque centrale. Or, en période de crise, il est inévitable que la Banque nationale endosse un rôle géopolitique. Toutefois, la BNS ne se laissera guère dissuader d’acheter des devises et, inversement, la Suisse pourrait même avoir intérêt à se préparer à exploiter la force du franc à des fins géostratégiques.
La BNS doit se demander ce qu’elle peut atteindre si elle prend cette mesure. Les taux bas sont censés affaiblir le franc, mais leur effet est controversé. Quand de nombreux investisseurs voient dans le franc suisse une valeur refuge, un faible écart supplémentaire de taux d’intérêt n’apporte pas grand-chose. Les effets de la politique classique des banques centrales en matière de taux d’intérêts ne se font souvent sentir qu’après un à trois ans. Or, nul ne sait ce dont l’économie aura besoin à ce moment-là. Une politique des taux d’intérêt n’est donc guère adaptée pour piloter la conjoncture et rien ne justifie des taux négatifs.
Pas forcément. On surestime l’impact de la politique monétaire nationale sur les taux à long terme. Dans le domaine des taux hypothécaires, la politique budgétaire et l’évolution des événements internationaux ont aussi leur importance; il faut également tenir compte du fait que les banques augmentent leurs marges sur les hypothèques quand celles sur les dépôts de leurs clients diminuent en raison de taux d’intérêt nuls ou négatifs.
Propos recueillis par «La Vie économique»
Proposition de citation: Éclairage d'Adriel Jost, Institut de politique économique suisse (2025). Les taux négatifs feront-ils bientôt leur retour? La Vie économique, 20 mai.